Il fut une époque où les musiciens aimaient les mélanges improbables, les collisions nucléaires entre genres diamétralement opposés, un temps où les musiciens voguaient d'un style à l'autre selon la vent de leurs envies, des temps reculés ou seul comptait le désir de provoquer de l'émotion. Puis les genres se sont affirmés, rangés, analysés, décrits, classifiés, étiquetés, normés, et les limites poreuses sont devenues infranchissables...
Mais voilà Vola, comme un OMNI - Objet Musical Non Identifié - en provenance du Danemark. Cette formation aux vibrations multiples et variées propose une musique un brin étrange, un brin folle, des compositions à la croisée de genres que l'on croirait inconciliables, aux vibrations si contraires que le commun des mortels les jurerait non miscibles... Voici donc "Inmazes", un album sorti en 2015 qui bénéficie d'une nouvelle édition.
Produit par Jens Bogren, le maître incontesté de la lourdeur sensuelle, cette production vient chatouiller nos oreilles par des vibrations entre colères primales et brutales, envolées planantes dont les cycles rappellent de façon si étrange 'One Of These Days' ou bien 'Careful With That Axe Eugene'. Le groupe joue avec cette filiation, en y adjoignant des références actuelles beaucoup plus lourdes : Rammstein ou Messhugah. Autant la seconde influence semble légitime car le groupe a un pied dans le djent, autant la première semble moins évidente, Vola étant en opposition de phase avec les rythmiques martiales plombées des Teutons.
Même si la guitare est très présente, derrière cette puissance rythmique héritée du djent, transparaissent des instants suaves de grâce pure comme le magnifique 'Emily' (qui fait irrésistiblement penser à la beauté diaphane de 'See Emily Play'). La puissance intrinsèque de l'opus se retrouve dès les premières notes de 'A Stare Without Eyes', par le jeu d'une guitare très épaisse au côté de claviers technoïdes. Dans ce magma noirâtre surnage une voix de belle facture qui tire agréablement son épingle du jeu grâce à des refrains accrocheurs.
Alors que le morceau-titre érige une beauté spectrale (mélodie étrange, harmonie presque dissonante, guitare brutale qui recouvre tout sur son passage, comme la mer recouvre les châteaux de sable à la marée montante), 'Owls' navigue en territoire balisé avec des rythmiques complexes issues du djent. Au long de ces pistes, la batterie n'est pas en reste, car ses interventions sont variées, techniques avec toujours un je-ne-sais-quoi de dansant ('Stray the Skies' ou 'Feed The Creatures').
Vola sort du spectre musical balisé, que ce soit le metal progressif ou le djent ras-les-pâquerettes. On sent sur cette galette une énorme volonté pour aller de l'avant, mener sa barque comme bon lui semble et proposer aussi bien des pistes percutantes portées par une rythmique gravée au fer rouge que des mélodies imparables (comme le refrain de 'The Same War') ou des paysages sonores éthérés et planants, assumant la filiation avec Pink Floyd.
Le quatuor ose donc le pari fou et risqué de faire aimer à la majorité silencieuse une mixture de musiques où les genres sont maltraités, ou savamment saupoudrés ici et là, où l'espace sonore est réinventé, distordu et reconstruit après rupture du continuum spatio-musical. "Inmazes" est une œuvre presque paranormale, laissez-vous tenter si vous avez l'âme d'un voyageur musical...