C'est dans l'éclectique cité d'Atlanta que les quatre musiciens de Big Jesus ont fait leur éducation musicale à base de metal, de punk et de hardcore. Après la formation du groupe en 2009, les Américains enregistrent un premier EP en 2011 sous le nom de "One". Ensuite les événements vont s'accélérer pour le groupe avec la signature sur le label de qualité Mascot et la participation d'un grand nom de la production en la personne de Matt Hyde venu apporter son expertise sur six titres du premier album des Américains "Oneiric", les quatre autres provenant de "One".
Mentionner la diversité des influences de Big Jesus n'est pas accessoire tant celles-ci apparaissent dans les dix morceaux qui constituent "Oneiric". On retrouve un style alternatif puissamment saturé à situer plutôt dans les années 90, fortement chargé en vapeurs psychédéliques, en fuzz et en sonorités denses qui sont l'apanage du shoegaze et même du post-rock. Parmi les noms qui viennent à l'esprit lors de l'écoute de "Oneiric" on pense inévitablement à Smashing Pumpkins (le premier titre 'SP' fait référence au "Suppressive Person" de la doctrine scientologue mais on pourrait y lire tout autre chose...) et Deftones ('Oneirica', 'Felt In Reverse'), dont le travail sur la production de Matt Hyde n'est peut-être pas étranger.
Avec une telle profusion de sources d'inspiration, l'écueil du défaut de cohérence aurait pu toucher "Oneiric". Il n'en est rien, et bien au contraire le groupe parvient à imposer une empreinte commune à l'ensemble de ses compositions, dont les idées initiales proviennent toutes de son guitariste CJ Ridings, au point même qu'il est parfois difficile de distinguer les titres lors des premières écoutes. La voix lancinante et monotone de Spencer Ussery, sorte de croisement entre Chino Moreno et Perry Farrell, sied bien à ce genre musical et participe de cette homogénéité, lui donnant son harmonie mais augmentant aussi l'uniformité des titres de l'album.
Pour son premier véritable album, Big Jesus a voulu montrer toute l'étendue de son potentiel qui va du morceau court, très direct et tout en énergie ('SP', 'Always', 'Shards', 'Felt In Reverse') et qui s'étend à des constructions plus ambitieuses comme l'atmosphérique 'Shrimp' et son irrésistible montée en intensité ou le pesant et contrasté 'Heaviest Heart' qui s'achève malheureusement sur un fondu un peu maladroit. Big Jesus occupe aussi la modalité intermédiaire avec des titres tout en ambiance dans de belles variations rythmiques et mélodiques qui savent se nourrir de la pop onirique pour certains refrains immédiats ('Lock & Key', 'Floating Past You', 'Fader', 'Oneirica') et dont les finitions sont soignées (les soli de 'Always', 'Lock & Key', 'Shards' et 'Oneirica').
"Oneiric" est une découverte à ne pas négliger si vous êtes amateur de ce son des années 90 qui n'a trouvé que peu de continuité dans les décennies suivantes. En donnant une interprétation toute personnelle et contemporaine de ce genre hybride, Big Jesus fait œuvre d'originalité et affirme son potentiel dans sa souplesse à aborder tous les formats ou presque, et dans sa science de la mélodie. Avec ce "Oneiric" court, intense et abordable, Big Jesus synthétise l'essence de son propre style et nous ravit à chaque nouvelle écoute.