Après un "4:45 Am" de bonne facture mais quelque peu décousu dans lequel Aisles se cherchait encore, le groupe se lance dans un concept-album spatial post-apocalyptique nommé "Hawaii" avec pour ambition d'élargir son public et de confirmer les espoirs portés en eux.
Le projet évoque la survie d'une colonie humaine dans l'espace après la destruction de la Terre et sa volonté de préserver son héritage et sa culture. Aisles propose, sur la forme, un double album d'une durée de 80 minutes partagé de façon équilibrée. Le pari, sur le fond, aurait pu s'avérer difficile à relever pour retranscrire musicalement les enjeux de cette lutte pour entretenir le peu d'humanité encore existante.
Pourtant, dès l'entame de 'The Poet Part. I : Dusk' les doutes s'évanouissent. Une introduction classique jazz rock du plus bel effet, recherchée et efficace nous fait rentrer dans l'histoire pour ensuite se muer dans un style plus moderne à la Neal Morse porté par un refrain mémorisable, soutenu par des claviers spatiaux. C'est ainsi que l'auditeur alternera entre ambiances rappelant les grandes heures de Yes ou Genesis et climats sonores modernes, électro voire robotiques comme dans 'Year Zero' et surtout le magnifique 'CH-7' floydien. Alors que, de prime abord, le projet pourrait revêtir une certaine froideur, les moments d'émotion sont légion, surtout dans la deuxième partie avec des titres mélancoliques, comme en témoignent 'Terra', 'Falling' et son piano délicat ou le minimaliste 'Nostalgia'. Par ailleurs, Aisles n'en n'oublie pas ses racines pop sophistiquée accessibles avec 'Upside Down', la ballade 'Still Alive' et 'Pale Blue Dot' contrastants avec les expérimentaux et plus exigeants 'Club Hawaii' ou 'In The Probe' tout en apesanteur.
L'exécution de l'ensemble concilie technicité et limpidité. La voix de Sebastiàn Veraga sied brillamment aux ambiances en revêtant un timbre parfois plaintif, grave, réussissant par moment à monter dans les aiguës, rappelant ainsi l'interprétation de Marco Glühmann de Sylvan en plus nuancée. Les claviers de Juan Pablo Vallejos jouent un rôle prépondérant dans l’œuvre en adoptant une palette sonore très large oscillant d'un piano de facture classique à une aura futuriste bien adaptée au thème. La section rythmique soutient cette variété de styles grâce à la frappe subtile de Felipe Candia et les lignes de basse harmoniques bien senties de Daniel Baird-Kerr. La guitare, bien que plus discrète dans l'ensemble, enlumine ces atmosphères où à l'acoustique succèdent des parties électriques et de distorsions psychédéliques bien exécutées. Enfin, la production ample restitue parfaitement l'équilibre entre les instruments et le chant.
Aisles frappe donc un grand coup avec ce nouvel album, dont on ressent à l'écoute un travail de groupe cohérent. D'une exigence artistique respectueuse de ses aînés entre tradition et contemporanéité, les Chiliens livrent un des concept-albums de l'année, à ranger parmi les plus grands du genre.