Depuis son retour, Curved Air n'a paradoxalement pas encore réussi à retrouver intégralement son originalité. ''North Star'', salué par la critique, voyait quelques nouvelles chansons collées à des réenregistrements voire à des reprises. Pour ce nouvel album, qui n'en est pas vraiment un, le groupe nous propose plusieurs versions du titre 'Propositions' émanant de différents concerts européens.
Si la première piste rappelle à notre bon souvenir ce groupe des années 70 qui savait être original et ne craignait pas les expérimentations, il prouve également que la voix de Sonja Kristina est intacte, n'en déplaise à ceux qui ont toujours pensé qu'elle chantait faux ou qu'elle n'avait pas de puissance, avec pour preuve son célèbre cri de félin. Mais d'elle, on n'en entendra guère plus par la suite (une minute avant la fin), le groupe se lançant dans une jam folle, avec quelques éclairs rock (le riff de guitare de 'Saint Albans Rock' ou 'Wolverhampton Improv') mais restant la plupart du temps confiné dans ce qui pourrait s'apparenter à du jazz.
Jouer du jazz n'est évidemment pas une insulte, mais le principe en est pleinement dévoyé ici. Le début de 'Hull Improv', cacophonique, dévoile prématurément le spectacle auquel il faudra s'attendre pendant une heure : le groupe réalise un boeuf sans un cube de saveur. Pire, comme le groupe joue un titre unique, 'Propositions', les morceaux sont pratiquement difficiles à différencier ('Norway Improv', 'Ilminster Improv' 'Saint Ives' où se retrouve le même thème, seule balise repérable de ces improvisations). En outre, le mixage est une catastrophe et l'écoute de ce disque vous donnera rapidement mal à la tête ('Kinross Improvisation' et ses stridences). Curved Air a-t-il voulu se prendre au sérieux, pensant que le rock progressif était une affaire de jeunesse ? Ou au pire, tomber dans la naïveté en proclamant que chaque concert du groupe est unique, le groupe ne craignant guère les improvisations.
Tout comme le récent album de Focus, Curved Air prouve cruellement que le temps n'a pas suspendu son vol. Si le disque se rapproche plus du jazz que du rock progressif stricto sensu, on peut avoir l'impression que le nom de Curved Air est usurpé et que n'importe quel groupe de Soho aurait pu le réaliser. Sur un concert, une improvisation ça va, mais quinze improvisations de la même chanson : bonjour les dégâts ! Un auditeur amoureux de Curved Air est en droit d'avoir des attentes, dont un minimum basique est d'entendre la voix de Sonja Kristina. Si vous voulez écouter du bon jazz progressif, préférez plutôt Frank Zappa et son 'King Kong'.