Pendant la tournée sud-américaine de 2005, le groupe Focus, fraîchement reformé, s'était décidé à tâter du bœuf avec des musiciens locaux, tels le bassiste acclamé Artur Bahia ou le multi-instrumentiste Mario Seve. Un enregistrement ''Focus 8 1/2 Beyond The Horizon'' - qui ne fait pas référence au film de Federico Fellini - vient tout juste d'être extrait des archives personnelles du groupe, de quoi nous permettre de goûter à ces glorieuses heures.
Plutôt connu pour ses albums longs et instrumentaux, on saluera Focus d'avoir allégé son propos. C'est d'ailleurs le seul salut que nous lui rendrons pour cet album qui n'en est pas vraiment un. Le groupe qui a toujours eu une assise rock s'est laissé tenté par un changement radical avec un son plus orienté vers des bases jazz à la façon d'un Al Di Meola. Les compositions quasi instrumentales font maintenant la part belle à de longues jams (l'omission de l'adjectif endiablé est volontaire). Si les premières mesures de 'Focus Zero' (le titre voudrait-il dire que le groupe a fait table rase de ses origines ou qu'il a régressé ) peuvent susciter de l'enchantement, la suite semble composée de bric et de broc où chaque musicien se lance dans un pur exercice démonstratif (en particulier les guitares et les batteries) et dont le caractère cyclique et minimaliste prend rapidement le dessus. Certes, la flûte virevolte mais l'auditeur est en droit d'attendre plus qu'un exercice de soliste de Thijs Van Leer.
Si les invités ont apporté des rythmiques proches de la samba ('Millenium') ou de la bossa nova, les résidents ne semblent pas en mesure de revendiquer leur héritage et conservent la même formule sur toutes les pistes. Le groupe ayant montré que son humour était tari, nous passerons sous silence les borborygmes de 'Talking Rythms' (dont les batteurs imitent le bruit de batterie après un énième duel poussif) qui ne feront rire que leurs auteurs, et également la très mal mixée 'Hola Como Estas' dont les sonorités sud-américaines et la voix féminine aurait pu trouver une meilleure direction. C'est d'ailleurs la choriste Thaïs Motta qui enchante les deux morceaux purement Focus 'Surrexit Christus' et surtout 'Rock 5' qui malgré un solo poussif de batterie (encore un !) nous accorde un voyage intéressant et tempétueux, qui culmine avec un solo vertigineux de flûte.
Cet album, qui n'en est pas un et qui n'est pas nouveau, n'est pas le bon choix pour découvrir l'excellent groupe de rock progressif hollandais. Faire du rock progressif ne veut pas dire improviser des mesures hasardeuses ad nauseam (ce que font la plupart des groupes actuels qui se réclament d'anciens qu'ils n'ont pas compris) et cet album de Focus fait figure d'inédit largement dispensable.