Nouveau venu sur la scène progressive, le trio californien King Llama n'a pas fait le choix de la facilité avec son premier disque, "Return To Ox". Entièrement instrumentales et composées - dixit le groupe - sous l'influence de King Crimson, Rush et Yes, les neuf pistes de l'album vont devoir faire assaut d'inventivité pour maintenir constante l'attention de l'auditeur.
Et de ce point de vue, le contrat est largement rempli, et l'album est une belle réussite. Chaque titre déploie une multiplicité d'ambiances couvrant un large spectre stylistique (du jazz au metal) et propose de nombreuses variations de dynamiques, alternant saturation et son clair, breaks épileptiques, progressions harmoniques à la noire et textures vaporeuses. Virtuoses, les trois musiciens mettent leur technique au service du collectif, sans pour autant s'interdire quelques moments de bravoure individuelle, à l'image du solo de batterie introduisant la portion terminale de 'Just The Tip'. Et malgré un dispositif instrumental fort réduit, la complémentarité entre le jeu de basse et celui de guitare permet d'harmoniser, souvent sur la base d'accords complexes, les multiples riffs et motifs mélodiques que compte l'album.
Mais au-delà de ces aspects techniques, assurément remarquables, "Return To Ox" peine à convaincre sur la longueur. La lourdeur de 'Mighty Ox', l'introduction presque Sabbathienne de 'Call Me Elmo' et l'ouverture funky de 'Just The Tip' - décidément le meilleur titre de l'album - évoquent une filiation avec Spaced Out et Panzerballett, révélant par là même la couleur globale du disque, plus jazz-fusion que progressive. Un jazz parfaitement maîtrisé, et même enthousiasmant avec ce court passage de walking bass qui illumine un superbe et sensible solo de Ryan T. Bailey sur 'Cap'n Mustard Hair', mais dont la complexité rythmique et l'aridité des thèmes mélodiques pourraient lasser les oreilles les moins averties. Les structures, pour le moins éclatées, ne se laissent pas facilement saisir, et les soli, véloces sur 'Smoking in Ergenzingen', plus lyriques sur 'Stogies n' Juice', ne suffisent pas à rétablir une continuité qui fait trop souvent défaut.
Ainsi King Llama offre-t-il un premier album ambigu, tiraillé entre le rare souci de la mélodie et l'impérieux désir de s'aventurer, coûte que coûte, hors des sentiers battus. Gageons que pour la suite, ce jeune trio saura insuffler plus d'émotions et de cohérence à des compositions qui n'attendent que cela pour pleinement convaincre.