Où se situe la frontière entre l’hommage et le plagiat ? A quel moment le plaisir de retrouver les harmonies d’un groupe aimé mais défunt se transforme-t-il en agacement de voir profaner son tombeau à trop vouloir lui ressembler ? Voilà assurément un excellent thème de dissertation pour tous les mélomanes en herbe qui se doublent de lecteurs assidus de Music Waves. Et une question que Preacher a certainement dû se poser.
En effet, difficile de ne pas penser à Pink Floyd à l’écoute de leur second album "Aftermath". Entre les nappes de claviers en arrière-plan, les chœurs féminins qui poussent des ouh ouh et des haaa haaa spatiaux et les nombreux solos de guitare qui, bien que moins stratosphériques, évoquent le toucher de David Gilmour, les ressemblances avec les "Flamants Roses" sont nombreuses. Sans parler du style de chant, posé et légèrement détaché, et des harmonies qui éveilleront instantanément en vous des souvenirs liés à l’original dès ‘Aftermath’ et resurgiront sur ‘Welcome To The Fray’ (faisant irrésistiblement penser à ‘Have a Cigar’), ‘Sleep’ ou ‘Vinyl’ qui n’aurait pas déparé sur "The Division Bell".
Mais résumer le groupe à un clone de Pink Floyd serait injuste et réducteur, une bonne moitié de l’album se démarquant de cette influence. Ainsi ‘Hold On’ est une agréable ballade bluesy où guitares, piano, orgue et rythmique servent d’écrin à un chant grave et sensible, très affirmé, rappelant de loin Bryan Ferry et surtout David Bowie, une caractéristique qui pointe son nez sur plusieurs titres de manière quasi subliminale (‘Vision’ et ‘Always’ notamment). Les deux parties de ‘War’ sont ce qui se rapproche le plus d’un progressif atmosphérique, ‘War Reprise’ (qui n’a rien d’une reprise d’ailleurs) s’avérant particulièrement prenant entre un court speech poignant et un long solo de guitare aussi triste qu’inspiré.
Le chant de Martin Murphy et la guitare de son fils Greg sont d’ailleurs les deux points forts du groupe. Le chanteur sait se faire charismatique et envoûtant tandis que le guitariste aligne des solos emplis de feeling et de sensibilité. Ces qualités, associées à un sens de la composition qui fait mouche, auraient pu faire de "Aftermath" un album incontournable. Malheureusement, quelques maladresses nous obligent à réviser notre appréciation à la baisse, comme la tentation de terminer trop souvent par un solo de guitare accompagné d’un mur d’orgues spatiales et d’une batterie à la frappe lourde, ou certaines erreurs de production telles que d’avoir séparé les deux parties de ‘War’ (la première s’interrompt bien importunément au moment où elle commençait à happer l’auditeur dans ses filets) ou de finir sur un ‘Always’ certes agréable mais bien moins saisissant que l’excellent ‘War Reprise’.
Malgré ces légers bémols, "Aftermath" est un album qui résiste à de nombreuses écoutes et même qui s’apprécie encore mieux au fil du temps. Preacher a du charisme à revendre et nous permet de passer un agréable moment en sa compagnie.