Avant tout réputée pour son (post) hardcore aussi tellurique que viscéral, la Suisse peut toutefois compter sur Wolf Counsel pour honorer comme elles le méritent les courbes callipyges de la déesse Doom. S'il n'affiche que deux ans au compteur, le combo ne saurait se confondre avec une bande de puceaux qui croient encore que "13" est le premier album de Black Sabbath, composé qu'il est de vétérans de la scène helvétique, tous issus de Punish, formation forgeant un death très technique, à part Ralf Winzer Garcia, chanteur ou bassiste, quand ce n'est pas les deux à la fois, dans une palanquée de petits groupes (Requiem, Uppercut...) fleurant bon, eux aussi, le sang coagulé et la tripaille.
Sans doute désireux d'épancher sa soif de riffs plombés et de reliefs massifs, le bonhomme fonde ainsi Wolf Counsel, avec le concours du guitariste Tom Kuzmic, autre musicien promenant depuis longtemps ses guêtres au sein de l'underground suisse, qui a depuis quitté le navire, dans le but avoué de braconner sur les terres des Cathedral, Saint Vitus et autres The Gates Of Slumber.
Précédé d'une première enclume éponyme, "Ironclad" sculpte de fait la roche abrupte d'un doom traditionnel qu'aucune scorie ne vient jamais polluer. Prêtre d'un culte séculaire, le groupe récite le credo avec application et une science du forage abyssal qui ne peut susciter la moindre réserve. Sa sincérité non plus, ce qui est important dans un genre qui reste avant tout une question de foi plus que de raison.
Certes ses racines font plus qu'affleurer à la surface. Difficile en effet de ne pas penser à tous les héritiers du Sabbat Noir, Lee Dorrian en tête, à l'écoute de ce menu râblé, comme en témoigne un 'When Steel Rains' dont le solo pourrait sans peine couler du manche de Gaz Jennings (Cathedral), mais toujours sensibles aux ondes sismiques, nous ne pouvons qu'être emportés par cette coulée rugueuse que déversent des compositions solidement ancrées dans le sol.
"Ironclad" a quelque chose d'un golem dont chaque pas fait trembler les murs, écrasant tout sur son sillage. Accordées plus bas que terre, guitares et basse creusent des tranchées au fond desquelles infuse un désespoir sentencieux que vidange le chant ozziesque (quoi d'autre ?) de Ralf Winzer Garcia. C'est lent, c'est pesant, ça n'enclenche jamais la seconde mais les Suisses ont suffisamment de métier pour éviter de sombrer dans la monotonie léthargique, en faisant jaillir des câbles à haute tension sabbathiens ('Days Like Lost Dogs'), qui permettent d'affoler l'érectomètre.
Sans chercher à renouveler le genre, Wolf Counsel enfante un deuxième opus imparable que tout amateur éclairé de doom ne peut que goûter à sa juste valeur.