A l’évocation du nom Cock Robin, certains vont se remémorer leur tendre adolescence, l’époque des premières boums – mot aujourd’hui désuet –, des premiers émois et de l’insouciance des années 80. Ils se souviendront surtout de l'alchimie entre deux voix : celle de Peter Kingsbery au magnifique timbre grave, chaud, modulable, reconnaissable entre mille, contrebalancée par celle d’Anna LaCazio qui sait se faire charmeuse.
Fondé en 1982, le groupe, complété par Louis Molino III à la batterie et par Clive Wright à la guitare, sort en 1985 son premier album éponyme produit par Steve Hillage (ex Gong). Trois singles emblématiques de la pop de ce milieu de décennie seront issus de cet album et auront un plus grand retentissement en Europe qu’aux Etats-Unis, pays d’origine de Cock Robin.
Dès ‘Thought You Were On My Side’, les bases musicales de l’album sont posées. Les voix de Peter et Anna s’enchevêtrent de façon sensuelle sur un style up-tempo. Paradoxalement, cet aspect relativement léger ne saurait camoufler des textes moins anecdotiques qu’il n’y paraît, évoquant à la fois la confiance et les doutes dans la relation amoureuse. L’amour n’est pas simple avec Cock Robin, mais le groupe s’amuse de cette ambivalence avec des ambiances presque anodines où les deux chanteurs font preuve d’une retenue bienvenue. Sur ce point les rôles sont assez bien répartis, chacun portant l’autre de façon équilibrée notamment dans les refrains.
Mais résumer ce premier album à ces trois titres serait un raccourci dans lequel il ne faut pas tomber. D’autres thèmes sont développés comme dans le touchant ‘Little Innocence’ évoquant la tristesse de la guerre sur une base rythmique assez tribale soulignée par une très belle guitare en guise de conclusion. Par ailleurs, Cock Robin varie quelque peu le climat sur 'Just When You're Having Fun' ou ‘More Than Willin’ avec une touche presque funky. Multi instrumentiste (claviers, basse) et tête pensante du groupe, Peter Kinsgbery n’en laisse pas moins les autres membres s’exprimer, témoins les interventions de Clive Wright sur 'Little Innocence'. Les claviers tiennent un rôle prépondérant, créant des atmosphères inspirées et bien senties sans pour autant envahir le spectre musical.
Comme souvent pour un premier album, certains titres ont une moindre résonance sans se départir d’une certaine qualité, laissant toutefois l’auditeur sur sa faim. La production, avec notamment sa batterie triggée et une basse surmixée, ancrée très eighties, a tout de même un peu vieilli. Cock Robin signe donc une belle entrée en matière, portée par des titres très accrocheurs avec un duo de voix uniques et complémentaires. Au-delà des singles, l’album mérite qu’on y porte une attention toute particulière tant les qualités de songwriter et d’interprétation de Peter Kingsbury sont déjà présentes. Celles-ci prendront une ascendance plus importante sur le groupe dans les prochaines productions.