Seulement quelques mois après le décès de son guitariste Piotr Grudzinsky, voir Riverside sortir un nouvel album est une surprise. Mais à y regarder de plus près et avec les explications de son leader Mariusz Duda, cette sortie a du sens. "Cela fait longtemps que nous voulions sortir un album de ce genre, instrumental et electro, c'est une bonne transition vers le futur". "Eye Of The Soundscape" est donc le septième album des Polonais, mais, malgré ses presque 1h45 de musique, ne contient que quatre titres inédits. Le reste est composé de sessions d'enregistrement et de titres bonus figurant sur les deux derniers albums du groupe de 2013 et 2015.
Comme annoncé, l'ambiance est essentiellement electro-ambient, à commencer par les quatre titres inédits. 'Where The River Flows' qui ouvre l'album est une longue pièce électro où les claviers tiennent une part prépondérante et sur laquelle la guitare est très discrète, comme sur 'Sleepwalkers'. La voix éthérée de Mariusz sur le final rappelle que l'on est bien en présence d'un album de Riverside. 'Shine' est le seul des nouveaux titres à entrer dans les codes du groupe et aurait facilement trouvé sa place sur l'un des deux précédents albums, avec la basse ronflante de Duda si reconnaissable et les chorus de guitare caractéristiques. Enfin, les 11 minutes 30 de 'Eye Of The Soundscape' qui clôt l'album ne sont qu'une longue et douce digression aux claviers, planante et atmosphérique à l'extrême, tout en ambiance et en douceur.
Pour le reste, soit plus d'une heure et quart tout de même, Riverside permet à tous de profiter de titres bonus extraits de "Shrine On New Generation Slaves" et de "Love, Fear and the Time Machine". Sans réelle ré-écriture, ils sont l'occasion pour ceux qui n'auraient pas eu la chance d'obtenir les versions enrichies de découvrir ces titres instrumentaux. Parmi eux, deux (trop) longues sessions d'enregistrement, les 'Night Session - Part One' et 'Part Two', trop répétitives, n'apportent pas grand-chose à l'ensemble, sauf à renforcer l'ambiance instrumentale électronique de cette production pour le moins déroutante.
Quant à 'Rapid Eye Movement (2016 Mix)', il remixe des thèmes de l'album du même nom en les modernisant à la sauce electro pour un résultat proche de certains albums de Pink Floyd, tout aussi planants et atmosphériques. Les titres, nouveaux et anciens, sont tous issus d'une veine progressive avec de nombreuses évolutions internes, même légères.
Les explications de Mariusz Duda sur les motivations du groupe à sortir un tel album sont un peu floues, même si l'on sait désormais que Grudzinsky était très enthousiaste à l'idée d'une telle production. Il n'aura malheureusement pas participé à cette transition avec les deux premières trilogies, un terme peut-être exagéré pour la seconde puisque les albums ne sont liés entre eux que par le nombre de mots croissant des titres de chaque disque (4 pour "Anno Domini High Definition", 5 pour "Shine of New Generation Slave" et 6 pour "Love, Fear and the Time Machine"). Les liens artistiques d'un album à l'autre ne sautent ni aux yeux ni aux oreilles, "Anno Domini High Definition" se situant même aux antipodes des autres réalisations récentes du quatuor de Varsovie. Toutefois, il est probable que le trio revienne à un rock plus heavy et plus intense dans un futur proche.
Par contre, que les membres du groupe aient eu envie de vite passer à autre chose après la disparition de leur compère en retournant en studio et en travaillant à un nouveau projet dans la perspective d'imaginer et de construire le futur de Riverside nous semble une évidence. Du coup, la rupture musicale est grande et marque surtout la volonté du groupe de tourner une page. "Eye Of The Soundscape" est une étape dans la carrière de Riverside, un interlude destiné à marquer un véritable tournant. Plus proche d'un Lunatic Soul dans la lettre comme dans l'esprit, il s'adresse aux fans du groupe, très nombreux et fidèles, qui comprendront certainement la démarche du désormais trio. Il plaira également aux amateurs de musique électronique et d'ambiances douces et apaisantes mais risque de décevoir ceux qui s'attendait naïvement à un vrai nouveau Riverside.