En 2002, la reformation du fringant groupe hollandais était aussi impensable que l´élimination au premier tour de la France championne en titre lors de la Coupe du Monde sino-coréenne de football. Après avoir commis un album contractuel en duo avec Jan Akkerman dans les années 80, Thijs Van Leer s´était éloigné de son point de chute, faisant des apparitions comme joker de luxe de studio (pour Ayreon sur "Into The Electric Castle"). Victime de nostalgie, il s'entoure de jeunes recrues pour ressusciter Focus, approchant le batteur Bert Smaak, le guitariste Jan Dumée (O Septeto Plus, un groupe-orchestre enfant de tous pays) et enfin le bassiste Bobby Jacobs, qui n´est autre que... son beau-fils !
Une première écoute distraite se fait dans un premier temps rassurante. Le groupe semble avoir retrouvé son identité perdue et les compositions n'ont plus l'apparence de musique d'ascenseur. Focus laisse une part plus importante à son esprit potache : ce sont des yodels qui nous accueillent sur le hard 'Rock And Rio', clin d'œil au célèbre 'Hocus Pocus', avec moins de maestria technique et de folie. Le morceau qui ferme l'album est également une parodie réussie de chanteur de salle de bains. Le groupe s'amuse à renouer ainsi avec son passé, on pourrait même accuser Jan Dumee de copier le style de guitare de Jan Akkerman, son qui a façonné l`identité du groupe hollandais, mais en laissant de côté toute la beauté aérienne comme en témoignent les poussifs soli de guitare de 'Fretless Love' ou du titre éponyme. Pire, 'De Ti O De Mi' et 'Neurotika' semblent inverser le rapport de force où Focus était l'inspiration première du groupe Camel...
Une deuxième écoute balaie certains de ces doutes et montre que si Focus n'atteindra jamais plus son niveau des années 70, il retrouve d'une part tout ce qui a fait son essence, mais qu'en outre les années n'ont pas de prise sur lui. Les talents de guitariste de Jan Dumee sont bien réels, il nous régale d'arpèges sensibles sur 'Sto Ses Raditi Zivota' et de riffs hard sur la dernière partie de 'Fretless Love' ou sur 'Neurotika'. Thijs Van Leer, leader naturel du groupe, fait virevolter sa flûte au son de guitares acoustiques et de batterie endiablée sur le sommet de l'album 'Tamara's Move', quand il ne convoque pas un spectre de la formation au son de l'orgue sur 'Brother', plus convaincant.
Autour de Thijs Van Leer, une nouvelle mouture de Focus a vu le jour à l'aube des années 2000. S'il donne l'impression de s'amuser, en copiant-collant certaines mesures proches des années 70, il ne faut pas pour autant bouder son écoute. Réjouissons-nous que ce groupe qui s'était perdu se soit contre toute attente retrouvé.