Alors que l'excellent troisième album de Gnô "Crass Palace" est sorti depuis moins d'un an, personne ne s'attendait à la déclaration de Christophe Godin annonçant son départ du trio le 11 février 2014. La succession ne se fera pas attendre puisque le remplaçant de Godin en la personne de Julien "Djul" Lacharme est annoncée le 15 mai. Autodidacte aux multiples collaborations éclectiques dont Kate (country), Raspberry Jam (reprises rock), Tchoo Tcha (manouche), Inuendo (rock-metal), Helders Family (reggae), Alpha Blondy (world music), Nudje (pop-rock) et Joe Bel (hip-hop folk) Djul s'est fait un peu plus connaître à l'occasion de sa seconde place au concours de guitare French Guitar Contest de 2012 dont un des jurés est Monsieur Patrick Rondat. Les communications du groupe sur les réseaux sociaux montrant un trio soudé, travailleur et perpétuant la bonne humeur qui leur est caractéristique n'empêchent pas la curiosité et une certaine appréhension d'entendre ce que Gnô peut donner sans son atypique leader. Il est enfin arrivé ! Le quatrième album à la pochette sombre et décalée comme à l'habitude se prénomme "Sick Princess".
Le départ de Godin n'a pas modifié fondamentalement le fond stylistique de Gnô qui reste cette combinaison savante et accessible de gros riffs metal et de refrains presque pop très mélodiques. Certains titres sont de superbes réussites qui remplissent le cahier des charges à merveille comme 'Love Is Over', 'Shine Like Heroes', 'Lose Control' et surtout l'explosif 'Deserve To Die', sans oublier le surplus de noirceur que Gnô se plait à cultiver depuis dans ses albums ('Don't You See It Coming', 'Black Widow'). Globalement l'attribut fusion passe par l'emprunt au funk ('Secret') avec quelques nuances reggae ('Indeep') ou expérimentales ('Real Unreal') mais ce Gnô nouvelle formule apparaît plus alternatif et moins décalé que par le passé. Un surplus de sérieux semble avoir pris le pas sur la douce folie qui régnait dans le groupe quand Christophe y officiait.
Si Djul s'insère admirablement dans le metal de Gnô, notamment dans le travail intéressant des chœurs, son apport au sein du trio est assez différent de celui que pouvait avoir Godin. Avec sa technique complète, sa maîtrise des sonorités et des effets, dont la wah-wah et la whammy qu'il utilise souvent, Djul montre un classicisme mâtiné d'une robustesse rock-metal qui procède parfois du mimétisme avec d'autres guitaristes dans les riffs et les soli (par exemple Vai dans 'Indeep' et Bettencourt dans 'Secret'). L'arrivée de Djul a semble t-il repositionné le centre de gravité du groupe que Godin, avec son humour et son charisme, son timbre de voix caractéristique, sa signature personnelle et son style guitaristique fusion étendue avec un vocabulaire très diversifié, avait tendance à aimanter.
Nous voilà donc rassurés sur la bonne continuité de Gnô, "Sick Princess" dissipant les craintes engendrées par le départ de Christophe Godin. Djul Lacharme est une recrue au style différent de son prédécesseur, qui a déjà commencé à trouver sa place dans le trio en posant son empreinte sur ce nouvel album. Tous les éléments sont réunis pour faire de ce nouveau Gnô un groupe solide et créatif avec un nouveau guitariste qui, s'il ne fait pas oublier Christophe Godin, en sera le digne successeur.