Après un retour salué par la critique, le groupe Focus a poursuivi son effort, bien décidé à faire mentir ceux qui avaient relégué ce groupe aux oubliettes. Le guitariste Jan Dumée qui s'était distingué sur le précédent album est parti rejoindre d'autres horizons (un album solo puis un groupe The Rocks) et a été remplacé par Niels Van Der Steenhoven. Mais qui l'eût cru, l'éphémère Bert Smaak a laissé sa place au fantôme Pierre Van Der Linden, de retour après son départ du groupe en 1972.
Comme à son habitude, le groupe a saupoudré ses compositions instrumentales d'humour à l'image de 'Hurkey Turkey 2' (dont le titre évoque à nouveau 'Hocus Pocus') sur lequel Thijs Van Leer mime à la bouche un célèbre air de musique classique. Mais la blague potache use de grosses ficelles et ruine les efforts d'une composition mêlant lourdeurs hard (avec un solo réussi de guitare) et légèreté de flûte. 'Black Beauty' qui ouvre l'album s'avère plus réussie grâce à ses multiples influences.
Le nouveau guitariste se paye le luxe de prendre l'ascendant sur tout le monde. Si 'Sylvia Stepson' s'avère proche du son originel du groupe, 'Focus 7' démontre ses qualités de guitar hero dans un exercice proche de Santana. Sur la composition qu'il a signée 'Niels Skin', il laisse libre cours à son imagination. Pierre Van Der Linden, quant à lui, apporte par son jeu jazz une touche moins passe-partout que ses prédécesseurs, y compris sur des morceaux plus hard comme 'Aya-Yuppie-Hippie-Yee' (sur lequel Thijs Van Leer se livre à son numéro de dingue habituel). 'Focus 9' et 'Curtain Call' renouent avec une atmosphère proche des débuts, mérite du seul Thijs Van Leer grâce à son jeu de piano sensible et à sa flûte ; cependant le morceau se révèle inutilement long.
Malheureusement, malgré ces qualités, Focus ne brillera pas à nouveau. Le groupe aurait d'abord gagné à raccourcir son propos. 68 minutes de morceaux quasi instrumentaux sans grand lien les uns avec les autres s'avèrent plutôt indigestes. En outre, certains se révèlent anecdotiques à l'image de la reprise de 'Just Like Eddy' datant de la collaboration avec P.J.Proby, qui n'arrive pas à la cheville d'un morceau déjà moyen, ou d'un 'Ode To Venus' qui fait figure de redite. Enfin, le rock progressif inventif qui avait fait connaître le combo semble avoir été abandonné depuis belle lurette, et l'auditeur expérimenté doit attendre la fin de l'album pour goûter un peu d'ivresse avec 'European Rap(sody)'.
"Focus 9 New Skin" n'ajoute guère sa pierre à l'édifice Focus, malgré le renfort de deux musiciens talentueux. L'album possède trop d'organes mais pas assez d'artères pour les connecter et, en dépit de quelques compositions intéressantes, s'avère au final raté.