Watchtower, groupe emblématique de la fin des années quatre-vingts, est LE chef de file du techno-thrash : genre ultra technique apparu à la fin de cette décennie, où l'agressivité était aussi importante que la technique ou la puissance évocatrice des paroles.
Il aura fallu attendre vingt-six années pour avoir le successeur à "Control and Resistance", des révolutions à espérer une reformation, des lustres d'attentes inassouvies, même si à la naissance du vingtième siècle la formation nous avait offert un effort sous la forme d'un éphémère témoignage scénique efficace, puis quelques pincées saupoudrées avec parcimonie.
Watchtower a certes enfanté un style aux métriques pachydermiques, aux variations multiples, au chant suraigu et aux harmonies hors du commun, mais depuis d'autres formations (Atheist, Gnostic, Vektor, Cynic) ont suivi la mouvance, explosé les carcans et perpétué cet héritage. Alors même si à l'origine Watchtower était un défricheur, avec les années passés, et l'évolution musicale constante, leur progressif s'est popularisé pour devenir presque... commun (!)
Toutefois, préparez-vous pour une bonne lampée de musique alambiquée, des centaines de riffs sur chaque composition froide et mathématique et une bonne dose de technique parfois démonstrative. Les guitares sont précises, la basse claque à tout-va, la batterie est presque sèche et hyper carrée, la voix se hisse dans les hauteurs de l'Hymalaya. Puis, derrière un habillage glacial quasi-arctique, la formation impose une multitude de signatures rythmiques, des mélodies qui fusent sans cesse comme celles dispensées par la basse sur l'introduction de 'Arguments Against Design'. La lourdeur est de mise sur 'M Theory Overture', avec une musique agressive sur laquelle le seul point de repère semble être la guitare. Ensuite 'The Size Of Matter' laisse transparaître une envie d'en découdre, avec une introduction rapide et percutante et des phrases mélodiques à cent à l'heure.
Le final est tout simplement dantesque ('Mathematica Calculis') et prouve que le groupe est une entité progressive qui n'a rien à envier aux géants actuels. Par-delà les variations des mesures et des thèmes musicaux, on entrevoit une cohérence de style. Alors sur plus de dix minutes, le groupe assoit sa suprématie technique indéniable avec des morceaux alambiqués, différents du lot commun, des mélodies travaillées, étranges et variées.
Le retour du groupe avec "Concept of Math : Book One", un album agréable, confirme tout le bien que l'on peut penser de Watchtower. Malgré les années, la formation n'a perdu ni de son mordant, ni de sa superbe, ni de son habileté instrumentale. Cet EP n'est peut-être pas un grand pas en avant mais prouve que les Américains se maintiennent au plus haut niveau, maintenant fermement leur cap musical, et entament même une sorte de
changement dans la continuité : continuité de style, de genre, de folie, d'expérimentations ou encore d'habillage sonore sur fond de production dantesque.