Gros changement chez Nightmare ! En effet, David et Joe Amore, respectivement batteur et chanteur du groupe depuis 1999 (et même bien plus longtemps dans le cas de Joe) ont quitté celui-ci en 2015, faisant ainsi de Yves Campion le seul membre historique de la formation grenobloise. Presque le seul à avoir plus de quatre années d’ancienneté dans ce groupe fondé en 1979 !
Et, à l’écoute de ce "Dead Sun", cette révolution qui a vu 60% de l’effectif du groupe changer ces quatre dernières années se ressent très clairement. Pas uniquement parce que le chant est désormais féminin, il en va également de l’orientation musicale choisie par le groupe.
Et pour quelqu’un qui suit et apprécie le groupe depuis ses débuts, la pilule est un peu amère à avaler. Non que Nightmare fasse fausse route ou déjoue, loin s’en faut. Simplement la dynamique très heureuse qu’avait le groupe depuis plusieurs années est rompue. Reste à savoir si c’est pour le meilleur ou pour le pire.
En étant un peu cruel (et horriblement nostalgique, je le concède), on pourrait dire que Nightmare rentre dans le rang en se standardisant. Car s'il est possible de considérer que ce changement de line-up et d’orientation musicale doit lui permettre d’accéder à un tout autre statut au niveau européen, cela se fait au prix de la perte d’une partie de son identité. On ne retrouve en effet plus cette agressivité et cette puissance que Nightmare avait imposées comme marques de fabrique depuis "The Dominion Gate", au travers d’un heavy metal puissant et rapide qui se teintait de sonorités dark ou thrash.
Désormais, plus mélodieux, avec notamment un chant féminin qui est l’œuvre de Maggy Luyten (connue pour son travail au sein de Beautiful Sin, Virus IV ou encore pour avoir été choisie pour faire partie du casting de "01011001" de Ayreon et qui avait déjà croisé la route de Nightmare en 2012 en prêtant sa voix à 'The Dominion Gate (part 2)' sur "The Burden Of God"), le groupe se positionne logiquement dans un univers un peu plus moderne et tendance, en lui permettant de s’installer au niveau des Epica et autres Whithin Temptation. Et dans cette optique, Nightmare se montre assez convaincant : gros son, équilibre bien trouvé entre puissance et mélodie, arrangements faisant la part belle à un univers envoûtant. À ce titre, le pari est réussi, et les fans des groupes précités auraient tout à gagner à se procurer cet album. Tout au plus les vocaux se montrent-ils peut-être un peu trop linéaires sur la durée. Mais lorsque Maggy Luyten parvient à moduler son chant, comme c’est le cas sur 'Sleepless Minds', les choses deviennent bougrement plus convaincantes : 'Red, Marble & Gold' ou 'Dead Sun' sont des morceaux efficaces sur lesquels le groupe parvient à se démarquer de ses challengers en se montrant moins académique.
Cela est encore plus sensible sur 'Starry Skies Gone Black' qui, notamment du fait d’un passage de guitares bien plus rock que ce à quoi le groupe nous a habitués ces dernières années, se révèle très rafraichissant et réjouissant. On peut également mentionner l’adjonction très judicieuse et originale de chœurs enfantins sur 'Seeds Of Agony'. Dans ces moments, le savoir-faire du groupe opère et balaye les réticences que pourrait faire naître chez certains une orientation musicale un peu déroutante, et qui montre ses limites dans des titres tels que 'Indifference', qui porte bien son nom.
Il serait bien difficile et injuste de reprocher à Nightmare son courage et son évolution, d’autant plus qu'il fait preuve d’un professionnalisme sans faille. Mais il est tout autant difficile de ne pas regretter que les Frenchies n’aient pas persévéré dans le style dans lequel ils excellaient tant.