On se doutait bien que Dot Legacy deviendrait plus grand qu'il n'est (pourtant) déjà. Entre happenings sonores orgasmiques et un premier jet éponyme prometteur car fait de ce bois psyché qui procure une agréable chaleur dans le bas ventre, ces solides gaillards se sont très vite imposés parmi les fers de lance du stoner rock hexagonal (ou non), accompagnant sur les scènes européennes ce qui se fait actuellement de mieux en matière de bûche. Et "To The Others" en est une belle, crépitant au fond de l'âtre en de rugueuses étincelles.
Nous attendions beaucoup de cette seconde enclume. Nous ne sommes pas déçus. Mieux, le groupe a encore progressé, affirmant une personnalité qui n'appartient finalement qu'à lui. Car si ces effluves enfumées mâtinées de psychédélisme plombé sont aujourd'hui à la mode, ce dont on ne se plaindra pas d'ailleurs, Dot Legacy a très tôt su afficher sa différence, intense sans être avare en feeling humide, rêveur sans être mou du riff.
Comme le confirme ce nouvel opus, son rock à la fois velu et aérien ne ressemble à rien de (déjà) connu. Le chant n'est pas étranger à cette identité qui ne doit rien à personne, tour à tour presque reggae ('5314'), voire presque rap ('Horizon') ou plus appuyé, le plus souvent noyé sous les effets ('Dakota'). Serrée, la durée des titres participe aussi d'une singularité qui étonne dans un genre où les sensations priment sur l'originalité à tout prix. Avec une tranquille insolence, les Parisiens parviennent pourtant à conjuguer audace évolutive et puissance de feu, explorant des contrées inconnues dont chaque compo sonne comme une invite à découvrir.
Dynamique, chacune d'elle suit un chemin à la fois précis mais néanmoins sinueux, tel ce 'Story Of Flame', dont la ligne groovy, presque hypnotique cède ensuite la place à des traits plus épais, érigeant un brutal mur du son. Loin de les corseter, leur format ramassé confère au contraire à ces échappées une impressionnante densité qui évite à ses auteurs de se prendre les pieds dans la trame lâche d'un tapis étiré, piège dans lequel sombrent nombre de formations endormies par les émanations cotonneuses d'une pipe à eau. Rien de cela donc chez Dot Legacy qui galope à travers une géographie terreuse nimbée d'une brume électrique où se mêlent grattes incandescentes ('Grey Cardinal'), riffs tannés par le soleil ('211') et envolée stratosphérique ('The Twelve').
Franchement au-dessus de la mêlée, ces Frenchies accouchent avec "To The Others" d'une offrande d'une incroyable maturité, personnelle et décomplexée, laquelle lui promet un succès qui sera sans doute plus important hors de nos frontières. Nul n'est prophète en son pays...