Plus les années et les offrandes passent, plus Alunah se bonifie, peaufinant peu à peu un art aussi lourd que soyeux. Si le doom déclamé par une prêtresse n'étonne plus vraiment, les Anglais ont su se démarquer d'une concurrence de plus en plus forte, non seulement grâce au chant de Sophie Day, doucement mélancolique, mais surtout en raison d'une écriture puissamment inspirée, à laquelle sait toujours rendre hommage le mastering du maître Greg Chandler (Esoteric).
Deux ans et demi après un "Awakening The Forest" déjà bien supérieur à ses aînés, "Solennial" ne déroge pas à la règle, quatrième opus longue durée qui franchit encore une étape vers le nirvana. Après un court passage chez Napalm, le groupe des Midlands de l'Ouest a jeté son dévolu sur Svart Records, label finlandais certes plus modeste mais aussi plus passionné que l'écurie autrichienne et dans le catalogue duquel son nouvel opus se glissera avec aisance entre ceux de Goatess, Seremonia ou High Priest Of Saturn.
Fidèle à un matériau léthargique dont il ne se départira, on l'espère, jamais, Alunah propose huit perles aussi épiques que lancinantes, dont une curieuse reprise de The Cure, 'A Forest', en guise de conclusion. Alors que dans cette formule féminine désormais à la mode, les vocalises constituent d'ordinaire l'aimant qui sert à ferrer l'auditeur en l'ensorcelant, "Solennial" repose contre toute attente sur les guitares qui en forment les vigoureux arcs-boutants.
De fait, aux côtés des terreuses lignes rythmiques abattues par la chanteuse elle-même, les soli de David Day émaillent ainsi nombre de compositions en leur injectant une tristesse tranquille. Entre un 'Lugh's Assembly', long de presque huit minutes, culminant lors d'un final beau à pleurer, un 'Fire Of Thornborough Henge', aux teintes forestières ou ce 'The Reckoning Time' plus ramassé, les occasions ne manquent pas de pouvoir savourer ces saillies pétrifiées que recouvrent l'ombre du Tony Iommi le plus désespéré.
Est-ce à dire cependant que Sophie se contente cette fois de jouer les rôles secondaires ? Que nenni. Elle demeure plus que jamais la magicienne qui envoûte autant qu'elle guide à travers la sente mystérieuse d'une forêt peuplée d'arbres menaçants. Il suffit d'écouter 'Petrichor', d'une lenteur pesante et que hantent des cordes discrètes, pour mesurer le talent de conteuse sombrement féerique de la belle.
Plus sentencieux encore que ses devanciers, à l'image des 'Feast Of Torches' et 'Light Of Winter', "Solennial" est une ballade cérémonieuse drapée d'une douce amertume dont on peut affirmer qu'il est l'album le plus abouti à ce jour des Britanniques, merveille de doom majestueux et hiératique.