Souvenez-vous, nous avions laissé nos amis transalpins en déclarant haut et fort qu’avec "Are You Kidding Me ? No.", Destrage s’était tout simplement positionné comme LE groupe melodeath du moment ! Depuis, deux années se sont écoulées et c’est avec une grande impatience que nous attendions le quatrième album des Milanais pour valider cette flatteuse conclusion.
Si Destrage nous avait éclaboussés de son talent musical manifeste sur "Are You Kidding Me ? No.", en revanche, le groupe n’était pas forcément pris au sérieux, notamment quand il clamait qu’il écoutait les Spice Girls ('Purania'). Comme pour les zombies de 'My Green Neighbour' et les films d’horreur critiques de notre société folle, la plupart d’entre nous n’aura retenu que l’aspect superficiel des choses noyé dans le magma sonore.
Pour l’occasion, Destrage a chassé ses démons et a grandi en murissant son propos Et à la façon d’un "The King is Fat’n’Old" - la maturité en plus en laissant le côté anti-capitaliste ou anarchiste puéril de côté - les thèmes évoqués sur "A Means to No End" sont d’une clarté manifeste au point de se demander si nous ne sommes pas en contact d’un concept-album parfaitement équilibré et homogène sur les doutes qui envahissent tout être humain qui prend conscience qu’il ne connaît rien…
Dans ces conditions, "A Means to No End" s’ouvre sur le titre éponyme quasi-acoustique aux antipodes de la déferlante de notes folles de l’ouverture de "Are You Kidding Me ? No.". Mais tous les doutes s’évaporent dès 'Don’t Stare at the Edge' ou le single 'Symphony of the Ego' - et son intro à la Primus sous amphétamine death metal - qui reprennent les choses où les albums précédents les avaient laissées, à savoir un maelström sonore ébouriffant, impression particulièrement prégnante au contact de 'The Flight' et 'Dreamers' qui auraient très bien pu figurer sur les albums précédents.
Là où "Are You Kidding Me ? No." pouvait présenter quelques passages à vide notamment après son introduction enchaînant des titres surpuissants difficiles à surpasser, "A Means to No End" ne présente aucun temps mort, si bien que ce quatrième album des Milanais s’écoute d’une traite grâce à la succession naturelle des titres, certains même étant les introductions d’autres que ce soit le liminaire 'Peacefully Lost' aux accents 'Deliverance' d’Opeth succédant à l’interlude instrumental prog 'Ending to a Means', lui aussi très Opeth, ou encore l’acoustique 'A Promise, a Debt', ouverture du crescendo feu d’artifice final 'Abandon to Random'.
Et même si le groupe n’a eu aucune ambition intentionnelle de ce type - les Italiens ont avant tout voulu faire le meilleur album qui soit avec un côté organique supplémentaire aidé en cela par les percussions d’Alessandro "Pacho" Rossi -, l’enchaînement des treize titres se fondant dans un ensemble cohérent, la production taille XXL contribue à renforcer le sentiment de se frotter à un album-concept traitant de l’errance de l’être humain, notre société… à la façon d’un "Coma" de Between the Buried and Me.
A l’instar des meilleurs albums de death progressif, les pépites de "A Means to No End" se découvrent au fil des écoutes, et si l’album apparaît moins centré sur la dextérité de ses guitaristes solistes, il comporte néanmoins son lot de solos d’une intensité et d’une créativité rare comme celui de feu de 'Blah Blah' mais également 'Dreamers' aux sonorités résolument modernes et totalement imparables avec ce petit côté Mattias Eklunhd toujours présent.
Avec "A Means to No End", Destrage nous livre un album plus abouti, moins chien fou. L’impression d’éruption volcanique sonore des premiers albums est toujours présente mais à défaut d’être totalement contenue, elle est maîtrisée pour se fondre dans un ensemble parfaitement cohérent. Là où la maturité supplémentaire aurait éventuellement pu nuire à la recette dévastatrice des Italiens, au contraire, elle la renforce pour proposer un nouvel album melodeath aux accents progressifs incontournable et parfaitement ficelé, pour le grand bonheur de ses fans.