Darryl Way et Francis Monkman, les deux têtes chercheuses de Curved Air, ont chacun pris une trajectoire diamétralement opposée à celle du groupe, laissant les clés du temple à Sonja Kristina et à Mike Wedgwood. Au lieu de les jeter sous la porte, les deux rescapés ont recruté Gregory Kirby (guitare), Jim Russell (batterie) et surtout un jeune virtuose du violon et des claviers, un certain Eddie Jobson. Ce dernier, qui n´est pas encore l´immense musicien que nous connaissons tous, jouait dans Fat Grapple, éphémère groupe de soutien de Curved Air en concert. Sans ses deux ténors, la magie opère-t-elle encore ?
Bien sûr, il était impossible de remplacer les géniteurs du son Curved Air. Néanmoins, malgré une prise de position plus rock, le groupe ne se fait pas moins aventureux, comme en témoigne le fleuve progressif 'Metamorphosis' ponctué par la voix orageuse de Sonja Kristina et plusieurs soli de claviers. Le nouveau venu Eddie Jobson ne fait pas honte à ses prédécesseurs, multi-instrumentiste autant à l'aise avec un violon et un archet ('World' et surtout l'instrumental 'Arnim' co-signé par tous les musiciens) qu'avec des synthétiseurs. Son jeu de claviers éclectiques se fait épileptique ('Two-Three-Two' à la façon d'un John Evans qu'il remplacera plus tard au sein de Jethro Tull), halluciné (sur la belle ballade intimiste,'Elfin Boys' avec une excellente contribution vocale de Sonja Kristina, ou 'UHF') ou plus sensible (à la façon d'un Keith Emerson sur 'Metamorphosis' ou 'Easy').
Mais s'il en est un autre qui se régale sur cet album, c'est bien Gregory Kirby. Ce dernier jubile et fait jubiler l'auditeur par un jeu de guitare plus âpre et plus dur ('U.H.F' qu'il signe, 'The Purple Speed Queen', 'Easy'). Mike Wedgwood, survivant de choix, met en avant sa basse sur les morceaux plus énergiques ou comme sur l'effort collectif 'Arnim' où il s'accorde un solo. En outre, il signe les paroles et la musique de deux chansons 'World' et de 'Two-Three Two', sans oublier de se placer derrière le micro pour cette dernière. Si sa voix semble d'abord mal assurée (elle retrouve sa justesse plus tard), elle est rejointe sur les refrains par Sonja Kristina et les deux voix à l'unisson transcendent cette chanson d'apparence plus pop qui aurait mérité de devenir un tube (un nouveau duo d'anthologie intervient sur l'explosive 'Easy' sur laquelle la voix de Sonja Kristina est cette fois plus présente).
Cet album marquait un renouveau, le calme après la tempête. Malheureusement, peu de temps après, Eddie Jobson rejoindra Bryan Ferry au sein de Roxy Music. Sonja Kristina décidée à continuer l'aventure accueillera un nouveau revenant : l'ancien violoniste Darryl Way.