On aurait tort, à l'instar de ses détracteurs qui n'ont jamais cherché à voir en lui autre chose que l'archétype du groupe de rock pour surfeurs californiens, de réduire les Eagles à une usine à tubes, car derrière cette vitrine commerciale se cachent une finesse de touche et un talent hors-pair pour la composition ciselée à la manière d'un travail d'orfèvre. Une écriture qui a su évoluer au fil des années, se bonifier et se fixer à partir de "Hotel California" (1976), aboutissement mais aussi (quasi) testament d'une carrière fulgurante, puisque ne lui succédera qu'un seul album, l'épitaphe "The Long Run" trois ans plus tard.
Coincé entre le deuxième album, "Desperado" et "One Of These Nights", "On The Border" se présente comme une œuvre charnière dans la discographie du combo de Los Angeles, en ce sens où il tente de gommer les accents country qui le recouvrent néanmoins toujours d'un vernis chaleureux, afin d'entamer une mue vers cette musique aux traits sinon (un peu) plus durs, au moins plus rock qui fera le succès des Eagles. Le fait que celui-ci ait préféré à Glyn Johns le producteur Bill Szymczyk, qui a travaillé avec (entre beaucoup d'autres) The James Gang et Joe Walsh, qui ne tardera d'ailleurs pas à remplacer le guitariste Bernie Leadon, témoigne chez le groupe de sa volonté d'araser ce socle historique.
Pourtant le résultat se révèle mitigé car il ne possède ni la verve caillouteuse de son aîné ni la force accrocheuse de son successeur. De fait, "On The Border", qui marque l'arrivée de Don Felder, lequel se fend de lignes de guitare sur 'Already Gone' et de slide sur 'Good Day In Hell', semble hésiter entre deux directions, country d'un côté et rock de l'autre, ce qui ne l'a pas empêché de glisser dans les charts trois singles dont un 'James Dean' à l'entame du feu de dieu et la respiration terminale 'The Best Of My Love', ballade doucereuse qui illustre encore une fois, avec le poignant 'Ol' 55', un 'My Man' plein d'une tendresse chaloupée et plus encore un 'You Never Cry Like A Lover' puissamment émotionnel, combien le groupe brille dans ce registre délicat.
L'entraînant 'Midnight Flyer', le paisible 'Is It True' ou la chanson éponyme éponyme gorgée d'un feeling rhythm 'n' blues et coloré de chœurs soyeux, complètent une rondelle bien faite quoique sans génie et probablement la plus faible des Eagles.