Doucement mais sûrement, Cirrus Bay, duo américain mené par le multi-instrumentiste Bill Gilham accompagné de Mark Blasco pour la section rythmique, poursuit son bonhomme de chemin avec la publication de son cinquième album, intitulé "Places Unseen", présenté avec un artwork donnant immédiatement la tonalité de la musique qui va composer les 55 minutes de cette nouvelle production.
L'atmosphère pastorale qui se dégage de la peinture de Lee Gaskins nimbe en effet la musique de Cirrus Bay, l'ambition de son leader étant de partager son besoin d'amour, d'espérance et de beauté au milieu de ce monde de brutes. Et le moins que l'on puisse dire est que cette ambition se ressent dans sa musique, au point d'ouvrir l'album par un titre à la rythmique ternaire lancinante, pour ne pas dire pataude, sur laquelle un chant féminin quelque peu éthéré pose une mélodie peu évidente, soutenue par un piano omniprésent et une flûte qui donne tout son caractère bucolique à l'ensemble.
Ceux qui auront lu ici-même les chroniques des précédents albums du groupe feront bien évidemment le lien avec Renaissance, et nul doute que ces nouvelles compositions ne viendront pas contredire cette référence, quand bien même Cirrus Bay déploie des mélodies parfois complexes avec des harmonies n'hésitant pas à aller vers quelques dissonances, pour mieux revenir ensuite à des passages plus consensuels.
"Places Unseen" présente une alternance de titres chantés avec des morceaux purement instrumentaux, et c'est parmi ces derniers que l'on trouvera le plus d'intérêt à l'écoute, notamment du fait d'une plus grande dynamique. Certes, les sonorités de claviers et de guitares renvoient tout droit vers les années 70, et certaines d'entre elles apparaîtront parfois un peu datées. Mais ce même univers permet également de retrouver des parties de guitares 12 cordes très hacketiennes, donnant à l'ensemble une coloration somme toute assez variée.
En revanche, les titres chantés s'avèrent beaucoup moins convaincants, flirtant même dangereusement avec une mièvrerie collant aux basques de mélodies et rythmiques plan-plan ('Songs Unheard'), relevés heureusement par moment par des parties instrumentales aux couches multiples ('Boats').
Et c'est finalement la plage conclusive qui, du haut de ses dix minutes, va réussir une excellente synthèse des deux mondes, en nous proposant un morceau aux multiples rebondissements autour d'un thème enchanteur récurrent, alternant avec bonheur parties chantées et instrumentales, variations sonores et harmoniques, avec des clins d'œil appuyés au Genesis de la première époque et bien entendu une référence sous-jacente au grand Renaissance.
Avec cette nouvelle production, Cirrus Bay reste bien collé à son univers pastoral, mélange d'atmosphères à la Anthony Phillips mâtiné de Renaissance, et ces 55 minutes de musique véhiculent plutôt bien le message souhaité par leur leader, avec toutefois des sautes de qualité qui rendent l'impression finale mitigée. A découvrir néanmoins.