Deux ans après un "Rise Again" marquant son territoire, le quatuor nantais est de retour avec un "Black Saints Of Bourbon Street" qui plante ses racines dans le bayou. Directement inspiré par de nombreuses histoires et légendes en provenance de Louisiane, la plupart des titres de ce nouvel opus respirent la mangrove et le vaudou. Terminées les visions aériennes et urbaines du précédent album et bienvenue dans les ambiances sombres et malsaines de cette troisième livraison longue durée à nouveau enregistrée au Black Desert Studio. La production est toujours aussi puissante et sent les dessous de bras et l'huile de vidange, mariant avec talent les influences heavy et stoner du groupe.
Tout démarre avec un 'Judgement Day' puissant et brutal dont le riff n'est pas sans rappeler Pantera avec ce rebond latent d'une efficacité redoutable. Envoûtant et bénéficiant d'un refrain accrocheur, 'Voodoo Rising' justifie son titre ainsi que son statut de single dont le potentiel est indéniable. On se prend alors à rêver d'un album incontournable, d'autant que la suite se révèle d'un niveau équivalent. Le quatuor déploie son talent dans la création d'ambiances angoissantes sur un 'Reverend Zombie' menaçant avec son riff heavy-thrash, ou un 'Bloodbath On The Bayou' englué dans une vase ensanglantée et inspiré par le film "Hatchet". Les références aux légendes de Louisiane se multiplient d'ailleurs avec succès, tel le rapide et tranchant 'Sweet Mary Hell' dédié à Marie Laveau, la célèbre Voodoo Queen, ou sur un reptilien 'Saint Louis Cemetery #1' vantant l'ambiance malsaine de ce lieu dans lequel reposent les dépouilles de Marie Laveau ou de la délicieuse (!) Delphine LaLaurie.
Il serait également dommage de ne pas citer l'accrocheur 'Swamp Stomp' avec sa basse véloce lançant et concluant ce titre inspiré par le héros Swamp Thing de DC Comics. Pourtant, malgré ses nombreuses qualités, "Black Saints Of Bourbon Street" souffre d'une certaine linéarité qui handicapait déjà son prédécesseur. Rien de rédhibitoire si l'on prend la peine de s'attarder sur chaque titre individuellement, mais qui finit malgré tout par causer un décrochage sur la seconde partie de cet opus lorsqu'il est pris dans son intégralité. Voilà qui est dommage car l'interprétation est sans faille avec une section rythmique à la fois puissante et dynamique, des soli de guitare flamboyants et un chant passé à la toile émeri. El Royce affirme ainsi une identité forte et s'approprie même avec talent le 'Shout At The Devil' de Mötley Crüe qu'il dégaine en hidden track alors que l'opus semblait prendre fin.
Malgré une sensation globale un peu trop monolithique, le troisième album des Nantais reste une réussite dans son ensemble. Le quatuor confirme tous les espoirs placés en lui et se révèle même être un talentueux créateur d'ambiance. Cet opus réussirait presque à faire passer les rives de l'Erdre et de la Loire pour le delta du Mississippi. Surtout si on les observe au travers des histoires sombres et funestes qu'El Royce conte avec talent et puissance pour créer l'angoisse et l'inquiétude dans une obscurité funeste.