Si Vreid est un groupe qui ne nous a jamais vraiment excité, Slegest, projet solo de son ancien guitariste, a su au contraire nous filer la trique, dès ce "Løyndom" aussi glacial que percutant, habile mélange de black metal minéral et de doom sinistre, comme si le Darkthrone dernière période copulait avec le Black Sabbath originel. Trois ans après, le Norvégien est enfin de retour avec "Vidsyn". La réussite est-elle à nouveau au rendez-vous ?
La défloration de cette seconde rondelle prouve que Ese n'a pas renoncé à cette recette d'une froide efficacité, reprenant les choses là où il les avait laissées en 2013. Malgré les concerts assurés peu après, pour lesquels il a rassemblé autour de lui d'autres êtres humains, Slegest demeure bel et bien toujours son jouet à lui seul, occupant donc encore une fois tous les postes, du chant rugueux ramoné à la chaux vive aux guitares rouillées qui grésillent, sans oublier cette batterie ancrée dans le permafrost.
Taillé au burin qui lui confère cet aspect tranchant, "Vidsyn" rassure d'entrée de jeu avec un 'I Fortida Sitt Lys' au tempo implacable que ne renieraient ni Fenriz ni Nocturno Culto, avec ces riffs pollués aux allures de scalpel trempés dans l'eau gelée d'un fjord millénaire. Seule une parcimonieuse voix féminine vient quelque peu perturber ce paysage forestier connu que nous sommes tout heureux de retrouver intact.
Si 'Du' déçoit avec ses atours étonnamment mélodiques fondus dans un moule paresseux, tel n'est pas le cas du reste du menu qui imprime une cadence pesamment reptilienne à grands coups de saillies rocailleuses. Fidèle à une prise de son aiguisée vierge de toute afféterie, le Scandinave forge un art englué par l'hiver, prisonnier d'une lugubre cosse de désespoir. De fait, à l'exception d'un 'Wolf' emporté par le blizzard, "Vidsyn" est coulé dans le plomb, irrigué par ces lignes de guitare, à la fois vigies obsédantes fissurant la brume ('Som I Eit Endelikt') et foreuses nocturnes creusant les sombres replis d'une forêt morbide ('Tenn Den Gamle Varde') qui distillent un venin funèbre. Entre doom rampant et black nourri au thrash le plus dépouillé, l'ensemble donne toujours l'envie furieuse de taper du pied.
A l'effet de surprise du premier album succède la confirmation que Slegest possède décidément un sacré potentiel, dans cette veine déjà exploitée avec un vicieux brio par son compatriote Sarke, typiquement norvégienne et gisement jubilatoire de riffs réduits à leur plus simple expression, venimeuse et entêtante.