Quand Marco Hietala (Nightwish, Tarot), Tony Kakko (Sonata Arctica), Jarkko Ahola (Teräsbetoni, ex Dreamtale) et Juha-Pekka Leppäluoto (Charon, Harmaja, ex Poisonblack) décident de s'amuser ensemble, cela donne Northern Kings. Ce projet est l'occasion pour les quatre chanteurs de reprendre des titres des années 80 à la sauce d'un metal symphonique, certes relativement classique dans les contrées septentrionales, mais faisant ici preuve d'un esprit pour le moins aventureux. En effet, l'exercice demande un équilibre souvent difficile à trouver entre respect de l'original et personnalisation de l'interprétation. Ici, les Finlandais s'autorisent une grande liberté, faisant exploser les codes du genre tout en gardant à chaque titre des bases qui permettent de le reconnaître immédiatement.
En dehors du single 'We Don't Need Another Hero', reprise du titre de Tina Turner, interprété par les quatre chanteurs en même temps, les autres morceaux sont l'occasion pour chaque vocaliste de se les approprier individuellement. Seules quelques harmonies sur les refrains sont l'occasion d'interprétations collectives. Et chaque artiste ne manque pas de personnaliser des chansons qui n'avaient pas eu l'occasion d'un tel chambardement depuis leur création. Aux prévisibles accélérations heavy qui pourraient se contenter de muscler les propos s'intègrent des éléments inattendus comme des soli typiques d'un speed symphonique à la Stratovarius ('Don't Stop Believin' ' de Journey) ou des riffs empruntés à d'autres titres, comme celui du 'Bark At The Moon' d'Ozzy Osbourne qui vient se mêler au 'Fallen On Hard Time' de Jethro Tull. Le 'Sledgehammer' de Peter Gabriel se voit renforcer d'hormones guerrières et d'effets électroniques, 'Don't Bring Me Down' d'Electric Light Orchestra déboule sur un rythme bien supérieur à sa version originale, et la ballade 'Hello' de Lionel Richie devient un titre de hard mélodique.
Dans le sens inverse, 'Rebel Yell' de Billy Idol devient sombre, lent et malsain en s'étirant sur sept minutes, 'Ashes To Ashes' (David Bowie) se fait particulièrement heavy, et 'Creep' (Radiohead) se transforme en une pièce gothique et inquiétante, portée par le chant habité de Juha-Pekka Leppäluoto. Ce dernier réalise également une étonnante performance sur le 'Brothers In Arms' de Dire Straits qu'il rend particulièrement épique. Avec l'interprétation lyrique et théâtrale de 'I Just Died In Your Arms' (Cutting Crew) par Jarkko Ahola, nous tenons probablement les sommets de cet opus. Ceci n'empêche pas chaque morceau de mériter l'attention en raison des surprises qu'il renferme et de performances de haut vol. Difficile en effet de passer sous silence les démonstrations de Tony Kakko qui semble libéré et s'approprie chacune des trois chansons qu'il interprète avec brio. Quant aux interventions de Marco Hietala, quoique sans faille, elles restent plus prévisibles.
Ce "Reborn" s'adresse donc à des oreilles aventureuses qui ne craindront pas de découvrir des versions qui auront souvent tendance à les désorienter. Mais, pour peu que vous soyez capables de prendre le minimum de recul nécessaire, et que vous soyez amateurs d'œuvres à la fois métalliques et mélodiques, vous ne regretterez pas le risque que vous aurez pris.