Commençons par les choses qui fâchent (un peu). Pourquoi, alors que leur quatrième épopée, baptisée "The Dark Hereafter", ne s'étale déjà que sur quarante petites minutes (ce n'est pas grave) pour cinq pistes uniquement, les Anglais ont-ils jugé bon de glisser dans ce menu trapu un 'Pariah's Path' qui complétait en tant que bonus l'édition limitée de "The Divination Of Antiquity", leur effort précédent, ainsi qu'une reprise de Ulver, 'Led Astray In The Forest' ?
Manque d'inspiration ? Certainement pas, comme nous allons le démontrer. Au final, seules vingt-cinq minutes de cet album se révèlent vraiment inédites. Après deux ans de diète discographique, absence somme toute raisonnable, nous étions toutefois en droit d'attendre un peu plus de la part de Winterfylleth, que la mise en bière de son faux-frère jumeau Wodensthrone et la trop grande discrétion de Fen laissent quasiment seul sur le trône du black à la fois épique et atmosphérique de la Perfide Albion, ce qui explique notre (relative) déception.
Relative car en définitive loin d'en corseter la portée abrasive, ce format plus resserré que de coutume confère à "The Dark Hereafter" une intensité qui faisait quelque peu défaut à ses aînés, au moins à partir de "The Threnody Of Triumph ". Mieux, et contre toute attente, ce nouvel essai s'impose même comme ce que les Britanniques ont enfanté de plus puissamment exalté depuis l'originel "The Ghost Of Heritage". De plus beau surtout, de cette beauté foudroyante qui emporte tout dans son sillage crépusculaire telle une tornade d'émotions désespérées.
Un titre en particulier incarne ce geyser mélancolique, ce 'Green Cathedral', complainte longue de plus de treize minutes dont les lignes de guitares gonflées d'une tristesse absolue la rapprochent du 'The Name Of The Wind' qui achevait "Curse", second et dernier opus de Wodensthrone. Elévation orgasmique qui justifie à elle seule l'écoute de cette offrande dont elle forme l'épicentre, cette pièce s'ouvre sur une lente partie instrumentale qu'égrènent des accords répétitifs auxquels viennent progressivement s'ajouter des percussions figées dans une terre froide chargée de douleur. D'une langueur forestière, elle ne voit le chant surgir qu'à mi-chemin, vigie guidant cette sève de désespoir jusqu'aux cimes de cette forêt nimbée de brouillard.
Le reste se compose du morceau éponyme qui lance l'écoute sur les chapeaux de roue en galopant à travers des paysages dévastés, qu'irrigue une brutalité déchaînée, auquel succède 'Ensigns Of Victory' dont le torrent de noirceur est fissuré par des remparts implacables. Quant à la relecture des Norvégiens, extrait du matriciel "Bergtatt", elle permet au groupe de Chris Naughton de baguenauder le long d'une sente boisée que peuplent chœurs païens et arpèges résineux tout en renouant avec un humus traditionnel, tandis que 'Pariah's Path' que propulsent des rouleaux de batterie, montre un Winterfylleth conquérant à son meilleur niveau.
Si "The Divination Of Antiquity" nous avait déçu, il n'en va pas de même de "The Dark Hereafter" qui au contraire dresse une inspiration intense car plus serrée dans un menu qui va à l'essentiel.