Curieux comme deux groupes ayant partagé un split en 2012 peuvent s’avérer si dissemblables, quoique appartenant à la grande galaxie (un peu fourre-tout) du post-rock. Ainsi de Wang Wen, récemment chroniqué dans nos pages, et de pg.lost (sans majuscules, petite coquetterie), quatuor suédois actif depuis une douzaine d'années, qui sort avec "Versus" son quatrième LP.
Ce qui frappe d’emblée, c’est la qualité de la production, ample, soyeuse, réservant à la basse, ronflante et virile, une place de choix (le final de 'Monolith' est de ce point de vue enthousiasmant), sans pour autant étouffer la multitude de détails, notamment électroniques, présents à l’arrière-plan. Générosité et modernité sont donc de mise, menant le groupe aux portes d’un metal instrumental parfois sévèrement agressif (le riff introductif de 'Off The Beaten Path' ou la puissante section centrale de 'Versus'), souvent aérien (l’hypnotique première partie de 'A Final Vision' mais surtout 'Deserter', malgré l’omniprésence des percussions), toujours attendu.
Car "Versus" déploie ses reliefs selon une formule bien rodée qui alterne douceur et sauvagerie, envolées épiques et riffing conquérant, le tout s’organisant autour de mélodies accrocheuses, solaires et mélancoliques à la fois, qu’irriguent force arpèges comme autant de torrents dévalant le flanc des montagnes à la fonte des neiges (la belle carte postale !). A ce petit jeu, ce sont forcément les premiers titres qui, bénéficiant pour un temps d’un effet de surprise, s’en sortent le mieux. Ainsi d’'Ikaros', résolument grandiloquent par ses refrains parés d’atours power-pop à la Coldplay, d’'Off The Beaten Path', qui joue avec bonheur des contrastes entre la puissance des lignes rythmiques et la fragilité des guitares stratosphériques, ou de 'Monolith', voire de 'Versus', mariages réussis entre atmosphères synthétiques pseudo-floydiennes et mélodies intensément incarnées.
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Si les qualités sont nombreuses, elles finissent par se retourner contre le quatuor tant tout cela respire trop la facilité, le désir de bien faire et de plaire. Ainsi 'Deserter', fluide et vaporeux, s’érige sur un amoncellement de mélodies simplistes et de lieux communs, tandis que si les guitares de 'A Final Vision' se font dès l’entame plus pesantes et mélancoliques, elles ne semblent qu’évoquer une souffrance de circonstance. La fin de l’album reste malgré tout illuminée par le plus convaincant 'Along The Edge', sur lequel plane l’ombre flamboyante du Muse électro-progressif de "Black Holes And Revelations".
Au final, il faudra bien en convenir, à contrecœur peut-être : "Versus" est un joli album, composé, interprété et produit avec talent, très agréable à écouter, mais qui s’oubliera rapidement.