Trente-sept ans après avoir lâché son premier rot, Overkill est toujours là et rien ne laisse présager une fin prochaine, enchaînant les albums à un rythme régulier sans véritable baisse de régime et sans jamais renier ses origines, fidèle en cela à un thrash metal biberonné au speed, incisif et urbain. De fait, les New-Yorkais méritent un éternel respect, musiciens toujours verts qui n'ont pas besoin de Viagra pour maintenir fermement une inspiration encore loin de vouloir mollir.
Preuve en est donnée par "The Grinding Wheel", dix-neuvième cartouche qui, si elle n'étonnera pas les aficionados, témoigne d'une vitalité que certains, après un "White Devil Armory" (forcément) solide mais mineur, ont estimé qu'elle ne tarderait peut-être plus à s'émousser. À tort. En outre, ceux qui espèrent encore d'Overkill des velléités évolutives en seront pour leur frais, quand bien même il serait faux de prétendre que le groupe se contente de répéter depuis toujours une formule immuable. Certes, sa griffe demeure reconnaissable entre mille, notamment grâce au chant si particulier de Bobby "Blitz" Ellsworth, à la croisée de Jello Biafra et de Udo Dirkschneider et à cette énergie bitumée, stigmates de ses racines punk, mais ses disques se suivent sans se ressembler (tout à fait), émaillés qu'ils sont de timides nuances.
Ainsi, ce nouvel opus diffère de ses récents devanciers par les ambiances malsaines qui empoisonnent certaines de ses compositions, registre menaçant qui de toutes les façons n'a jamais été pour déplaire aux Américains, comme l'ont démontré les "Years Of Decay" et "Horrorscope" avec la puissance rampante desquels "The Grinding Wheel" tente de renouer parfois. Amorce du feu de Dieu longue de plus de sept minutes au jus, 'Mean Green Killing Machine' témoigne ainsi de ce goût pour les tempos reptiliens, rouleau-compresseur implacable que pilote un Bobby en grande forme, moissonnant les cadavres le long d'une chaussée meurtrie en proie aux flammes et que seuls quelques éclairs mélodiques empêchent de sombrer totalement dans des ténèbres apocalyptiques. Rythmique robuste mangeuse d'espace et guitares acérées injectent à ce titre une tension survoltée.
À l'autre bout, la piste éponyme, d'une durée équivalente, creuse tout d'abord de lourdes crevasses, puis s'emballe fiévreusement à mi-parcours avant que la basse de l'indéboulonnable D.D. Verni ne se mette à égrener des notes sinistres, annonçant l'arrivée d'une sombre nuit qui vient tout recouvrir. Entre ces deux sentinelles, se succèdent huit saillies souvent plus énervées ('Goddam Trouble', 'Our Finest Hour', 'Red, White And Blue'), toujours propulsées par l'organe venimeux du vocaliste, à l'image de l'énorme 'Shine On' et cette batterie digne d'un marteau pilon déchirant le pavé ('The Wheel').
Il n'y a rien à jeter de ce menu tendu comme le foc d'un navire, même si certains morceaux paraissent moins mémorables sans pour autant faire office de remplissage ('Come Heavy'), cependant que d'autres sont gorgés de surprenantes mélodies, tels que 'The Long Road' que cisaillent des lignes très heavy metal et surtout 'Let's All Go To Hades' qui témoigne qu'Overkill n'a toujours pas renoncé à ses meurtrissures mordantes dont il a le secret.
Vous l'aurez donc compris, les New-Yorkais démontrent qu'ils en ont encore sous la semelle avec cet album qui n'a pas à rougir de la comparaison avec certaines de leurs plus belles réussites passées.