"Requiem For Hell" est le neuvième album de Mono, groupe japonnais fondé en 1999. Takaakira Goto (guitare solo), Tamaki Kynishi (basse et piano), Yasunori Takada (batterie et claviers) et Yoda (guitare rythmique) ont pris l'audacieux pari de proposer, dès l'origine, des albums instrumentaux aux arrangements soignés laissant chacun d'entre nous se forger une interprétation toute personnelle de cette musique.
Cette neuvième livraison marque également les retrouvailles de Mono avec Steve Albini (ingénieur du son notamment pour PJ Harvey, Nirvana, Pixies, Bush et tant d'autres) dont la dernière collaboration remonte à "Hymn To The Immortal Wind" en 2009. Avec un son reconnaissable entre mille (rythmique mise en avant, basse prégnante, saturation), cet album est l'un des plus sombres de la carrière du combo japonais mais également l'un des plus majestueux.
A l'image de l'artwork, l'auditeur passera par plusieurs sentiments antinomiques, de façon vertigineuse, au cours des cinq titres qui composent l'album : l'amour-la désespérance, la peur-l'espoir. Mono captive dès 'Death In Rebirth' au lyrisme grandissant qui fait irrémédiablement penser à un titre d'Anathema sans paroles où la guitare mise en avant est proche du jeu de Danny Cavanagh, que la batterie martiale viendra assombrir d'une noirceur terrible avec en conclusion un son noisy rappelant un réacteur d'avion. Passant de l'ombre à la lumière, 'Stellar' est une respiration bienveillante matinée de cordes et d'un piano paisible, avant d'entamer le coeur de l'album avec le titre éponyme de 17 minutes. Construites sous forme d'une loop où viennent se greffer plusieurs instruments, les dix premières minutes de la première partie sont hypnotiques. La tension qui s'y développe finira par basculer dans les ténèbres les plus obscures, en deuxième partie, avec des sons saturés et oppressants créant une impression d'angoisse. Mais avec Mono, la lumière n'est jamais loin et 'Ely's Heartbeat', dont l'architecture rythmique s'inspire du battement de cœur du futur enfant d'un ami de l'ingénieur du son, viendra éclaircir le propos. Cette lumière finira par envelopper entièrement l'auditeur après avoir vécu toutes sortes d'épreuves précédemment, avec 'The Last Scene', éthéré, servant de générique à cette symphonie et dont l'influence mélodique d'Anathema n'est pas très loin.
L'ambivalence des atmosphères mélodiques est mise en lumière par une belle production où chaque instrument est remarquablement mixé. Les musiciens atteignent ici leur sommet dans leur unité et maturité. Les guitares sont tour à tour véloces et mélodieuses, le piano apporte sa touche reposante et éclairante et la section rythmique souvent mise en avant est d'une précision et d'une nuance indéniable.
L'écoute d'un album de Mono est une expérience toujours à part qui côtoie l'introspection, voire le cinéma, faisant appel au cœur et à l'imagination de l'auditeur. Les images viendront probablement au fur et à mesure des nombreuses écoutes nécessaires pour en tirer toutes les particularités, et parfois ne seront jamais les mêmes en fonction de l'humeur de celui qui recevra cette musique qui touche l'âme pour peu qu'on y soit sensible.