En cette fin des années 90, il ne fait pas bon être un groupe de hair metal, quand bien même le succès vous a porté sur les sommets quelques années plus tôt. Certaines formations ont disparu de la circulation sans que l'on puisse savoir pour combien de temps (Poison, Twisted Sister, Cinderella). D'autres se fourvoient dans des expérimentations industrielles (W.A.S.P. avec son "K.F.D" et Mötley Crüe avec son "Generation Swine" en 1997). D'autres encore essaient de prendre en route le train du grunge (Warrant "Ultraphobic" et Kiss "Carnival Of Souls" en 1997). Enfin, si Quiet Riot ne semble plus savoir quelle voie suivre, seuls les maîtres d'Aerosmith enchaînent les succès, "Nine Lives" (1997) étant le dernier en date. C'est dans cette atmosphère d'apocalypse pour ce genre musical que les Californiens de Ratt ont tenté un retour avec "Collage" en 1997, dont le succès a été plus que mitigé.
Il n'est donc pas étonnant de voir De Martini & Cie faire appel à de nombreux membres du team Aerosmith pour leur nouvel opus éponyme qui sera souvent surnommé "Ratt 1999" par la suite, afin d'éviter la confusion avec le premier EP du groupe, désormais quartet après le départ non remplacé de Robbin Crosby alors que Robbie Crane prend la place de Juan Croucier au poste de bassiste. C'est donc avec l'aide de Marti Frederiksen, Taylor Rhodes, Richie Zito ou Mark Hudson, mais également celle de Jack Russell (Great White) ou Jack Blades (Night Ranger, Damn Yankees) qu'a été composée la quasi-totalité des titres proposés ici. Et si la qualité est majoritairement au rendez-vous, les influences se font sérieusement sentir. Le hard-pop-bluesy de 'Live For Today' semble ainsi sortir de la discographie de Great White, alors que l'alternance de couplets calmes et de refrains plus toniques d'un 'Tug Of War' ou d'un 'It Ain't Easy' renverra forcement au gang de Steven Tyler et Joe Perry. Seuls un 'Breakout' pourtant composé avec Jack Russell, ou le rapide 'So Good, So Fine' logiquement composé par la paire Pearcy / De Martini, collent parfaitement à l'identité de Ratt.
Il serait cependant injuste de condamner cet opus comme il a pu l'être lors de sa sortie, car plusieurs titres se révèlent être de véritables bombes à fragmentation. A commencer par les groovy 'Gave Up Givin' Up', 'Dead Reckoning' ou 'Luv Sick' qui sollicitent méchamment les lombaires et qui représentent les dignes successeurs du célèbre 'Lovin' You's A Dirty Job' ("Detonator" - 1990). Si Pearcy est loin d'être Steven Tyler, comme peuvent le prouver ses interventions sur 'We Don't Belong' ou 'Tug Of War', il assure vraiment sur ce type de titres. Et que dire de Warren De Martini qui continue d'enquiller les soli lumineux, même si l'absence de Crosby se fait ressentir sur 'Breakout' ? Voici décidément l'un des guitaristes les plus talentueux de sa génération et l'un des plus injustement sous-estimés. Enfin, il serait dommage d'oublier l'introductif 'Over The Edge' traduisant à lui seul le développement des influences bluesy au sein des compositions de cet album, et qui sera un single aux ventes plus que respectables.
Boudé par les fans et descendu par la critique, cet album mérite d'être réhabilité. Certes, Ratt s'éloigne un peu de son identité d'origine, mais il ne trahit pas pour autant cette dernière, faisant ici plutôt preuve d'évolution et d'adaptation à son époque. Malheureusement ce nouvel échec signera l'entrée du groupe dans une interminable traversée du désert qu'il ne méritait pas forcément. Un opus à découvrir ou à redécouvrir afin de lui redonner une place plus en rapport avec ses qualités au sein de la discographie des rongeurs californiens.