En 1984, "Twentieth Century" avait marqué la fin de l'aventure pour un Cold Chisel miné par les tensions internes. Depuis, chaque membre semblait avoir trouvé son équilibre au sein d'autres formations ou en réussissant une carrière solo, en particulier un Jimmy Barnes devenu une véritable idole vivante. Pourtant, 14 ans plus tard, le quintet australien revient aux affaires dans une ambiance semblant plus apaisée et sereine, au point que la rumeur laisse entendre qu'une centaine de titres a été composée, que cela soit par chaque membre de son côté, ou lors des premières sessions marquant les retrouvailles du groupe. Le nouvel opus intitulé "The Last Wave Of Summer" propose finalement une quinzaine de titres à des amateurs prêts à se jeter sur cette offrande qu'ils n'espéraient plus.
La grande majorité des morceaux retenus a été composée par Don Walker qui n'hésite pas à varier les ambiances. Rock énergique et accrocheur ('The Things I Love In You'), hard-rock typé AC/DC au riff puissant et au refrain martelé ('Baby's On Fire'), rock nerveux et humoristique aux accents de rockabilly ('Yakuza Girls'), ou gros blues puissant et sexy ('Pretty Little Thing'), alternent avec des moments dévolus à la douceur. Dans ce domaine, le claviériste fait preuve d'une belle personnalité en glissant toujours quelques éléments permettant à ces titres de ne pas faire preuve d'un trop grand classicisme. Voyage au crépuscule à la mélodie de piano obsédante, 'Bal-A-Versailles' s'appuie sur une rythmique de valse. Le mid-tempo 'He Can't Believe It's Over With You' bénéficie d'un refrain accrocheur et d'une basse ronde pour transmettre une émotion à fleur de peau. Quant à 'So Hard', il joue sur la dualité de la douceur, du piano et de la basse, et de l'incandescence, du chant et de la guitare, qui s'opposent avant de se mêler.
Souhaitant privilégier l'authenticité à la qualité de la production, les Australiens ont majoritairement enregistré dans des conditions proches du live. Cet état d'esprit transpire de la plupart des compositions, en particulier les plus engagées socialement avec un 'Mr. Crown Prosecutor', véritable réquisitoire contre l'iniquité sociale et judiciaire, sublimé par un chant qui prend aux tripes, et un 'Red Sand', seule composition de Ian Moss, traitant du sacrifice de plusieurs générations d'aborigènes. Les titres écrits par Steve Prestwich font également preuve d'une belle sensibilité. 'Way Down' profite d'un chant à deux voix pour transmettre sa mélancolie, alors que 'Water Into Wine' se fait dépouillé en mode acoustique pour un résultat délicat et apaisant. Plus classiques, les compositions de Jimmy Barnes n'en sont pas moins accrocheuses, en particulier un 'Never Stop Loving You' à l'intensité rare.
Retrouvant un véritable état d'esprit à la fois collectif et authentique, Cold Chisel réussit un retour gagnant au point d'offrir un de ses tout meilleurs albums. Sans point faible, à la fois varié et cohérent, cet opus est celui d'une formation sereine et sûre de ses forces et qualités. Abouti en tous points, "The Last Wave Of Summer" s'impose comme une œuvre incontournable, aussi bien pour les fans du groupe que pour tous les amateurs de Rock avec un grand R !