Le début des années 90 n'avait pas particulièrement épargné un Billy Idol sur lequel le sort semblait s'acharner avec ténacité. L'échec de son projet "Cyberpunk" (1993) était entouré d'un grave accident de moto dans lequel il avait failli perdre une jambe (1990) et d'une overdose au GHB en 1994. Ces évènements avaient eu le mérite de lui faire prendre conscience de la valeur de certaines composantes de son existence, en particulier son fils auquel il avait décidé de consacrer la majorité de son temps. Durant la dernière décennie, le blond peroxydé s'était contenté d'écrire la chanson phare du film "Speed" qui marquait ses retrouvailles avec Steve Stevens (1994), d'une apparition dans le film "The Wedding Singer" où il jouait son propre rôle (1998), d'une participation à l'album de Tommy Iommi ("Iommi" - 2000) et de l'enregistrement d'une reprise du 'Don't You (Forget About Me)' de Simple Minds pour une compilation parue en 2001.
Quand "Devil's Playground" déboule en 2005, c'est un auditoire totalement surpris qui le découvre avec expectative. L'artiste va-t-il être moribond ? Va-t-il persister dans ses expérimentations électroniques ? Rien de tout ça, et les amateurs vont être rapidement rassurés par un album alliant énergie, mélodie, puissance et variété. L'ouverture des hostilités par les deux brûlots punk que sont 'Super Overdrive' et 'World Comin' Down' prouve que Billy Idol est dans une forme olympique, prêt à en remontrer aux combos de néo-punk qui pensaient que la place était libre. Hyper énergiques et accrocheurs, ces titres montrent également un Steve Stevens de retour aux affaires avec son jeu si particulier, ses soli lumineux et son ray-gun effect.
S'orientant vers des horizons plus mélodiques, la suite ne baisse pas en intensité pour autant, variant les plaisirs et offrant quelques moments inattendus comme ce 'Yellin' At The Xmas Tree' aux paroles délirantes sur fond d'un bon hard rock enrichi de clochettes en rapport avec le thème abordé... et détourné. Dans un domaine aussi humoristique, la cover du 'Plastic Jesus' de The Goldcoast Singers (1962) se fait quant à elle plus country-folk, tout comme un 'Lady Do Or Die' digne de Johnny Cash et qui lance une fin d'album plus légère. Difficile de s'attarder sur chaque titre, même si aucun temps mort n'est à signaler. Nous retiendrons cependant le superbe 'Rat Race' alternant couplets calmes et refrains rageurs, le single 'Scream', digne représentant de la patte du duo Idol / Stevens, à la fois énergique, mélodique et accrocheur, ou un 'Body Snatcher' sombre et malsain doté d'un riff énorme. Il y a également ce 'Summer Running' crépusculaire et acoustique qui semble vouloir clôturer l'album calmement avant une accélération aussi puissante qu'inattendue.
Avec ce "Devil's Playground", Billy Idol met fin à sa traversée du désert de la plus belle des manières. Ses retrouvailles avec son complice de toujours et l'investissement des nouveaux membres du groupe l'entourant semblent l'avoir remis en selle avec énergie. Le chanteur réussit à remettre en lumière une identité façonnée dans les années 80, sans pour autant paraître surannée. Voilà une résurrection aussi inattendue qu'enthousiasmante et à côté de laquelle il serait dommage de passer. Un album qui, comme sur 'Rebel Yell', donne envie de crier more, more, more... !