La culture bretonne est d'une richesse énorme avec ses coutumes, sa langue et son identité, mais sa branche musicale est empreinte d'un folklore celtique souvent caricatural. Et les têtes d'affiche mainstream comme Dan Ar Braz ou Nolwen Leroy ne font rien pour arranger les choses. Heureusement des artistes comme Cécile Corbel ou Seven Reizh ont prouvé ces derniers mois que la contrée armoricaine était capable de beaucoup mieux.
Brieg Guerveno entre clairement dans cette dernière catégorie et il pousse même le bouchon encore un peu plus loin puisqu'il ne reste, sur ce "Valgori", troisième album du trio, que le chant en breton, la musique se tournant désormais vers un rock, voire un metal progressif plus classique, débarrassé des atours folkloriques et principalement inspiré des plus grandes heures du prog des années 70.
Ainsi, les titres de "Valgori" sont plus sombres et froids, portés par un metal brut dans lequel le trio semble s'épanouir pleinement. Le triptyque guitare-basse-batterie prend alors toute sa grandeur dans ce style épuré. L'inaugural 'En Desped" donne le ton de l'album. Le rythme est soutenu par Xavier Soulabail (batterie) et Joachim Blanchet (basse) qui s'en donnent à cœur joie pour distiller une rythmique puissante et brute. Brieg envoie des riffs variés et accrocheurs et son chant suave et expressif dépeint une mélodie travaillée. Le rock du trio fait penser à Spock's Beard par ces sonorités rock à la limite du metal et par ses déroulements progressifs successifs qui rendent l'ensemble intéressant au fil des écoutes. L'album évoque également Opeth pour de nombreux passages alambiqués et torturés, surtout sur la fin de l'opus, ou encore Ange pour la construction des morceaux et une tessiture vocale que Brieg partage avec Christian Décamps.
Le chant en breton ne pose pas de problème particulier si ce n'est que l'on ne comprend pas le sens des paroles que l'on devine toutefois sombres et mélancoliques comme l'est la musique en général. Le chant demeure le seul élément que Guerveno utilise pour mettre en avant sa culture et pérenniser une tradition séculaire très prégnante. Les parties aériennes du précédent opus ont presque entièrement disparu au profit d'un rock plus organique. Certains passages franchement métalliques donnent une profondeur abyssale à des titres comme 'Hirnez', 'Pedenn' ou 'Polterd'. Brieg y va même d'une voix extrême sur 'Pedenn' avec des screamos qui rappellent que le bonhomme a baigné dans le metal extrême des années 90 durant sa jeunesse, style qui constitue l'une de ses principales influences musicales.
Dans une pure tradition progressive, la structure des morceaux à tiroirs donne une grande variété de thèmes au sein des titres eux-mêmes. Il en ressort un album dense qui se révélera au fil des écoutes grâce également à des mélodies efficaces sur 'Poltred' ou 'En Desped', mélodies qui restent en tête longtemps après l'écoute, donnant un intérêt supplémentaire à l'ensemble. Malgré la richesse de ses variations rythmiques 'Fallaenn' souffre toutefois d'un chant un peu plus maniéré dont certaines harmoniques volontairement dissonantes pourront en agacer certains.
Rompant avec l'aspect folklorique pour se consacrer à un rock plus brut, Brieg Guerveno avec ce poignant "Valgori" semble avoir trouvé une voix d'expression plus classique et enfin assumée. Désormais ouvert à une musique moins typée mais tout aussi riche et travaillée, l'album devrait trouver naturellement un public plus large du côté des progueux, qu'ils soient d'obédience rock ou metal. Brieg Guerveno semble s'être débarrassé d'encombrants clichés régionalistes souvent attachés aux musiques chantées en breton pour enfin assumer ses désirs créatifs, s'ouvrant le chemin d'autres horizons, d'autres scènes et d'autres publics.