S'il y a un groupe pour qui la vie n'est pas un long fleuve tranquille, c'est bien le Jack Russell's Great White. Comme son nom l'indique, cette incarnation de Great White a été formée par son chanteur d'origine lors de la séparation du groupe en 2002. C'est elle qui a été concernée par le drame du Station Night Club de Rhode Island, lors de l'incendie qui a coûté la vie au guitariste Ty Longley et à une centaine de spectateurs durant l'un de ses concerts. C'est également cette formation qui a dû faire face à un procès interminable de 2011 à 2013 afin de pouvoir conserver ce nom après que Jack Russell ait été exclu de Great White. Entouré du fidèle Tony Montana (ex bassiste de Great White) qui s'occupe de la six-cordes et des claviers, du guitariste Robby Lochner (Fight), du bassiste Dan McNay (Montrose) et du batteur Dicki Fliszar (Bruce Dickinson), le vocaliste peut enfin nous offrir son premier album.
Et autant ne pas perdre de temps et annoncer tout de suite qu'il va mettre une sacrée claque à ses anciens compagnons de route. Autant "Elation", premier album de Great White avec le remplaçant de Jack Russell (Terry Ilious, ex XYZ) s'était montré décevant en 2012, autant "He Saw It Comin' " se révèle être une véritable bouffée d'air frais et vivifiant. Le chanteur semble enfin libre de faire ce qu'il souhaite et cela se ressent dans la variété et la spontanéité des titres proposés. Bien sûr, la marque Great White se retrouve sur quelques compositions ('Sign Of The Times'), mais les surprises ne manquent pas, conférant une dynamique enthousiasmante à l'ensemble. Le quintet s'aventure ainsi sur des territoires westcoast ensoleillés à l'occasion d'un 'She Moves Me', sur lequel le vocaliste n'hésite pas à se lancer dans un passage rappé, ou d'un 'Don't Let Me Go' au refrain envoûtant. Mais il y a également ce 'Crazy' digne d'Aerosmith dont les couplets semblent tirés de 'Walk This Way', ou ce titre éponyme queenesque aussi surprenant que captivant.
En compagnie d'un Tony Montana avec lequel il partage la composition et qui se révèle un excellent guitariste et claviériste, Jack Russell semble ne s'être fixé aucune limite, tant au niveau du style que des thèmes abordés. Il n'hésite pas à se livrer sur ses problèmes de drogue avec un 'My Addiction' à la basse reptilienne, ou à aborder le sujet de l'inceste sur 'Blame It On The Night'. Ses talents vocaux s'épanouissent totalement, capables de délicatesse sur l'acoustique 'Anything For You' ou de se faire aussi cinglants qu'un 'Spy Vs Spy' direct et accrocheur. Les richesses de cet opus se révèlent écoute après écoute, le rendant un peu plus attachant à chaque fois. Et c'est une furieuse envie de relancer la lecture des 11 titres qui s'empare de l'auditeur après un 'Godspeed' tout en harmonies vocales dignes de la Motown ou de la California pop des 60's.
Si la reformation de Great White avait accouché de deux albums peu convaincants entre 2006 et 2010, il semblerait que cela soit en partie dû au fait que le chanteur commençait à se sentir à l'étroit dans un carcan artistique un peu trop étriqué. Au bout du compte, la réussite de ce "He Saw It Comin' " se révèle comme le résultat d'un voyage initiatique au travers d'épreuves telles que les problèmes de santé, l'éviction de son groupe de toujours et une longue procédure judiciaire. En les surmontant, Jack Russell a gagné sa liberté et apparaît comme le détenteur de l'âme que son ancien groupe a probablement perdue en l'excluant.