C'est en 2015, après la sortie de son album solo, que Keith Richards avait déclaré souhaiter que les Rolling Stones enregistrent un nouvel album en 2017 après leur tournée aux States. Il n'en avait pas fallu plus pour mettre en émoi les fans qui n'espéraient plus de nouveau disque depuis "A Bigger Bang" en 2005. Il y avait bien eu deux inédits sur la compilation "Grrr!" parue en 2012, mais un nouvel opus semblait inespéré. Voilà donc que débarque "Blue & Lonesome", ne comprenant que des reprises de classiques de blues de Chicago et enregistré en seulement 3 jours.
Après quelques albums aux (trop ?) grosses productions, "Blue & Lonesome" privilégie l'authenticité et la spontanéité indispensables à ce genre musical. Les quatre survivants ont cette fois limité le nombre d'intervenants venus les épauler. Aux habitués Darryl Jones (basse), Chuck Leavell et Matt Clifford (piano et claviers), viennent juste se greffer Jim Keltner aux percussions sur un titre ('Hoo Doo Blues'), et un certain Eric Clapton (faut-il préciser l'instrument ?) sur deux morceaux. Au sein d'une production épurée, les interventions du guitariste ne passent pas inaperçues, renforçant le feeling transpirant de 'Everybody Knows About My Good Thing' et 'I Can't Quit You Baby' avec un superbe solo sur ce dernier. Il est également à noter que, pour la première fois depuis "It's Only Rock'n'Roll" (1974), Keith Richards ne chante aucun titre, alors que Mick Jagger ne joue pas de guitare, ce qui n'était pas arrivé depuis "Dirty Work" (1986).
Le chanteur en profite pour rappeler qu'il est un sacré joueur d'harmonica, multipliant les interventions incandescentes. Mais si Mick Jagger n'avait également pas aussi bien chanté depuis longtemps, et que Charlie Watts est toujours aussi efficace, que dire de la paire Keith Richards - Ron Wood qui fait preuve d'une complicité et d'un enthousiasme rafraîchissants ? Particulièrement à l'aise sur les riffs obsédants ('Commit A Crime'), les rendant parfois envoûtants ('All Of Your Love') ou restant en équilibre sur 'Hate To See You Go', les guitaristes sont également capables d'accélérations épileptiques ('I Gotta Go') ou même de muscler leur propos ('Ride 'Em On Down'). Nous n'oublierons pas non plus de signaler les belles harmonies qu'ils offrent sur 'Little Rain', ni le feeling qui suinte de chaque note de 'Hoo Doo Blues'.
En jouant la carte de la spontanéité, que cela soit dans la production ou l'interprétation, les Stones réussissent à surprendre en faisant preuve d'une fraîcheur et d'un enthousiasme dont feraient bien de s'inspirer de nombreuses formations plus jeunes. Le format des reprises n'a certes rien d'original, mais en rappelant les débuts du groupe il y a plus d'un demi-siècle, il peut également être considéré comme un retour aux sources pour les légendes vivantes que les Anglais sont devenus depuis longtemps. Une belle surprise qui laisse en espérer d'autres avec, pourquoi pas, de nouvelles compositions pour un prochain album.