Alors que le recrutement de l'ancien chanteur de Reverend Bizarre, Sami Hynninen, dernière pièce qui manquait alors à son doom séculaire, lui promettait (enfin) la régularité qui jusque-là lui faisait défaut, Spiritus Mortis s'est au contraire fait encore plus discret depuis "The God Behind The God", pourtant véritable pierre angulaire du genre qui en 2009 succédait à un galop d'essai éponyme et à "Fallen". De fait, après une alliance scellée avec leurs compatriotes de Fall Of The Idols, les Finlandais semblaient avoir quasiment disparu des écrans-sonars.
En réalité, ils préparaient dans l'ombre leur retour. Et quel retour ! Car, à l'écoute de ce qui n'est donc que leur quatrième album en trente ans de carrière (!), en comptant leurs débuts sous le nom de Rigor Mortis, on mesure à la fois combien ils ont eu raison de prendre leur temps, de faire monter le désir jusqu'à cette éruption mythologique dont les coulées de lave robustes balaient d'un coup ces (trop) longues et muettes années. Et combien le grand (à tous points de vue) Albert Witchfinder nous manque depuis que son port d'attache d'autrefois s'est abîmé à tout jamais dans les eaux froides des mille lacs et ce, quand bien même les "Anti-Gravity" de Azrael Rising et "Taste Our Sword Of Understanding" de Opium Warlords ont notamment permis de le suivre sur des terres néanmoins plus obscures.
Mais après avoir participé cette année à la tournée européenne de Lord Vicar, le groupe de son ancien collègue Kimi Karki, en tant que simple bassiste, le réveil de cette figure tutélaire du doom finlandais vient combler tous ceux qui estiment – à raison – qu'il reste bien un des meilleurs vocalistes du genre. Un des plus habités surtout. Car, à sa manière unique, il parvient toujours à appuyer sur l'interrupteur, à empoisonner l'atmosphère d'un venin véritablement evil.
Nonobstant l'incontestable métier des autres membres du groupe (nous y reviendrons), le tribut en noirceur que "The Year Is One" lui doit se révèle évident ('Black Magic, White Powder'). Plus encore que sur "The God Behind The God", cet opus s'enfonce ainsi dans les replis funèbres d'une cavité ténébreuse, peut-être parce que le chanteur a pu davantage cette fois-ci marquer de son sceau aussi taciturne que vicieux les prières que ses compères enrobent d'une couche de plomb, témoin ce 'She Died A Virgin', ode granitique en honneur de la déesse doom et du sacro-saint riff dont l'accélération finale est comme une petite mort.
Reste qu'on aurait tort de ne voir désormais en Spiritus Mortis que le véhicule de Sami Hynninen qui avec intelligence a su couler sa personnalité au fond de ce creuset tellurique sans pour autant s'en emparer, laissant l'identité du groupe intacte même si on sent que ses compagnons utilisent la puissance occulte de son organe pour accéder au monde des morts qu'ils sculptent avec des guitares minérales, burins creusant dans la roche froide des plaies suintant une mélancolie solennelle.
Si 'Robe Of Ectoplam' lance l'écoute sur une note accrocheuse, hymne à la fois tendu et plombé, ce qui suit n'est en réalité qu'une inexorable descente dans des abysses pétrifiées, de 'I Am a Name On Your Funeral...' au terminal et justement nommé 'World Of No Light', oscillant entre perforations implacables ('Jesus Christ, Son Of Satan', 'Babalon Working') et remparts funéraires aux dimensions cyclopéennes ('Holiday In The Cemetery'), autant de morceaux de bravoure qui font de "The Year is One" une pure leçon de doom, classique dans sa forme mais ténébreux dans son fond.