S'il n'est pas certain que le retour de Lucifer's Friend, après une période d'abstinence longue de plus de vingt ans, enthousiasme grand monde, force est d'admettre que les Allemands ont encore de beaux restes.
À tort un peu oublié aujourd'hui, le groupe compte pourtant parmi les pionniers du hard rock d'outre-Rhin, genre auquel il sut injecter des éléments progressifs, le rapprochant d'un Uriah Heep avec lequel il partagea d'ailleurs le chanteur John Lawton, qui eut la lourde tâche de succéder à David Byron, enregistrant avec les Anglais trois opus, du reste pas les plus mémorables ("Innocent Victim", "Firefly" et "Fallen Angel", sans doute le meilleur du lot).
Ce n'est en réalité pas la première fois que le combo de Hambourg se reforme puisque "Sumo Grip" marquait déjà son éphémère résurrection en 1994, sous le nom de Lucifer's Friend II, treize ans après un "Mean Machine" qui scella au début des années 80 sa fin prématurée. Espérons que ce nouveau come-back soit enfin le bon et que les Teutons poursuivent encore leur carrière durant quelques temps.
Les plus jeunes ne manqueront pas de se pincer le nez à l'écoute de ce "Too Late To Hate" d'un autre âge, incarnation discographique de cette seconde renaissance dont on peut douter qu'elle leur ouvre les portes d'un nouveau public. Il n'y a pourtant rien - ou si peu - à jeter dans cette cuvée 2016 qui enfile les rutilantes compositions comme d'autres les perles. Passons sur son artwork d'une laideur fâcheuse et apprécions donc comme ils le méritent ces spécimens d'un hard rock dont le caractère antédiluvien ne l'exonère pas d'une puissance certaine, quand bien même une couche de poussière recouvre les nappes de claviers de Jogi Wichmann, seul membre avec le batteur Stephan Eggert à ne pas être issu du line-up historique.
Quelque part entre Deep Purple ('Jokers And Fools') et la veine progressive des Kansas, Saga et consorts, le menu est illuminé par les lignes vocales racées de John Lawton et les flamboyantes éruptions du guitariste Peter Hesslein, tous les deux signant à quatre mains ces petits bijoux d'écriture que sont 'Demolition Man', qui lance l'écoute d'une manière énergique, 'Sea Of Promises', 'Don't Talk To Strangers' , le symphonique 'When Children Cry' ou bien encore le baroque 'Straight For The Heart'.
Au final, "Too Late To Hate" se révèle être un disque aussi agréable que solide, mais sa belle tenue suffira-t-elle à relancer durablement la carrière de ce pionnier aujourd'hui quelque peu oublié et daté ?