Tortueuse trajectoire que celle de Soulburn. Au départ, au milieu des années 90, il incarne l'éphémère mutation d'Asphyx dont les fondateurs Bob Bagchus (batterie) et Eric Daniels (guitare) sont désireux de rendre hommage au proto black metal façon Bathory et Venom, aboutissant à ce qui incarnera pendant longtemps leur unique empreinte, ce "Feeding Of Angels" devenu très vite un album culte. Après un hiatus de plusieurs années, le groupe renaît de ses cendres en 2013 sous l'impulsion conjointe du stakhanoviste suédois Rogga Johansson (qui le quitte bien vite) et de Bagchus, d'abord sous une autre étiquette, To The Gallows, rapidement remplacée par le nom originel sous le sceau duquel est publié un an plus tard le résurrectionnel "The Suffocating Darkness".
A l'arrivée, en réunissant une bonne partie du line-up de Grand Supreme Blood Court (mais sans Martin van Drunen), Soulburn a troqué l'engeance noire primitive, dont il reste toutefois quelques oripeaux à travers le chant âpre du bassiste Twan van Geel (Bunkur) et sa peau froide comme la roche en hiver, pour un death doom tranchant et mortifère, évolution confirmée par "Earthless Pagan Spirit". Fidèle à cette identité néerlandaise, le groupe érige un bloc de matière brute, sévère et abrupte, dont les racines s'enfoncent profondément, jusque dans les entrailles de la terre.
Fort d'un accordage tellurique, guitares et basse creusent des stigmates aux allures de gouffre béant, ouvrant les vannes d'une négativité rampante ('Spirited Asunder'). S'ils ne rechignent pas à enclencher la seconde, témoins les furieux et gigantesques 'Where Splendid Corpses Are Towering The Sun', amorce digne d'un panzer moissonnant les cadavres en pleine campagne de Pologne, et 'As Cold As Heaven Slain' que fissurent cependant de lourdes tranchées, nos Hollandais violents ne se montrent jamais aussi redoutables que lorsqu'ils serrent le frein à main, pour entamer de funèbres décélérations ('The Torch') ou s'abîmer au fond d'un charnier encore fumant.
'The Blood Ascendant' ou 'Howling At The Heart Of Death', que perfore en son centre un puits abyssal menant droit aux enfers, impriment ainsi un tempo implacable, dressant une forteresse contre laquelle vient s'écraser toute trace de lumière et de vie. Seul 'Withering Nights' étonne au milieu de ce torrent de haine, par ses modelés (un peu) plus mélodiques et surtout cette voix féminine qui semble surgir de nulle part.
Les musiciens en présence étant ce qu'ils sont, à savoir de vieux briscards au métier éprouvé, de la chapelle extrême batave, "Earthless Pagan Spirit" ne saurait susciter la moindre réserve, méfait d'une efficacité imparable auquel font cependant quelque peu défaut une espèce de folie souterraine, ainsi qu'un supplément d'âme, contrairement à son faux frère-jumeau Asphyx justement, relative faiblesse qui ne grève absolument pas son intensité viscérale.