Quand un groupe comme Krokus, qui n'a rien sorti depuis quatre ans, en dehors d'un live ("Long Stick Goes Boom" - 2014), revient avec un album de reprises, il y a de quoi s'inquiéter. Surtout lorsqu'en regardant la liste des titres, il apparaît que certains titres ont déjà fait l'objet d'enregistrement de la part du légendaire combo suisse. Cet opus, censé fêter les 40 ans du groupe (qui en a en réalité 42 puisqu'il fut créé en 1975), ne serait-il pas un nouvel exemple d'opération mercantile visant à masquer un manque cruel d'inspiration ? Car s'il y a deux domaines dans lesquels la formation helvétique n'a jamais vraiment brillé, ce sont la stabilité de son line-up (35 membres différents en 42 ans !) et son originalité qui lui a valu d'être souvent considéré comme un clone d'AC/DC, ce dernier point étant toujours sujet à discussion.
Pourtant, ces deux polémiques vont rapidement être éteintes sur ce "Big Rocks". En effet, le line-up ne subit qu'une seule modification au niveau du poste de batteur pour lequel Flavio Mezzodi prend la place d'un Kosta Zafiriou qui n'était de toute façon considéré que comme un invité sur "Dirty Dynamite" (2013). Quant aux réminiscences d'AC/DC, elles sont loin d'être prégnantes à la lecture des influences auxquelles la tracklist rend hommage. En effet, il n'y a aucune trace du gang des frères Young au sein d'un panel se révélant assez large, aussi bien au niveau des artistes que des périodes. Par contre, l'interprétation de ces 13 titres fait preuve d'une belle homogénéité, Krokus s'appropriant l'ensemble des compositions en y apposant fortement sa marque. Cette personnalisation passe par une interprétation marquée par le chant de Marc Storace, reconnaissable parmi tous en raison de sa proximité avec celui de Bon Scott. Mais depuis quatre décennies, les Helvètes ont également su créer leur propre son que l'on retrouve tout au long de cet opus.
Le résultat est d'ailleurs surprenant pour les titres les plus folk-rock tels que le 'Rockin' In The Free World' de Neil Young, ou le 'Quinn The Eskimo' de Bob Dylan qui se transforment ici en brûlots hard-rock. Cette mue métallique se ressent également fortement sur le 'Summertime Blues' d'Eddie Cochran pour un résultat moins convaincant, et sur 'Jumpin' Jack Flash' qui ressemble moins à un titre des Rolling Stones qu'à une composition issue du répertoire... d'AC/DC ! Pour le reste, les bonnes surprises viennent du 'N.I.B' de Black Sabbath transformé en simple introduction se basant sur le riff principal du morceau, du 'Tie Your Mother Down' de Queen sur lequel Storace contourne la comparaison avec Freddie Mercury grâce à une version plus hard-rock que l'originale, et aux gimmicks extérieurs que Krokus intègre à certains titres. 'Rockin' In The Free World' se voit ainsi affublé du célèbre chant plaintif du 'Immigrant Song' de Led Zeppelin dans son introduction, alors que le 'Whole Lotta Love' du Dirigeable est enrichi d'un court refrain du 'Whole Lotta Rosie' d'AC/DC sur son final.
En rendant hommage à ses idoles de jeunesse, Krokus réussit à éviter le piège de la redite en s'appropriant ces reprises et en faisant preuve d'une belle énergie et d'une spontanéité rafraîchissante. Cela ne suffira pas à faire de ce "Big Rocks" un album incontournable, mais les Suisses en profitent cependant pour faire preuve d'un savoir-faire à la hauteur de leur expérience et ainsi offrir un bon moment de rock sans prétention mais de qualité.