Il y a une éternité, il était cool d'écouter les Eagles Of Death Metal, une époque où les bobos aimaient s'encanailler au son de ce garage rock qui sent bon le sable chaud du désert américain. Mais ça, c'était avant, quand Jesse Hughes, leur patron, n'était pas encore persona non grata depuis qu'il a osé tenir des propos controversés après la barbarie du 13 novembre 2015 dans l'enceinte du Bataclan qui accueillait alors le groupe.
Qu'on adhère ou pas à ses opinions, reconnaissons que le moustachu a au moins le mérite de trancher au milieu de cette meute d'artistes aseptisés et inodores que les médias, installés bien au chaud, nous servent jusqu'à l'indigestion. L'homme renoue en cela avec les bad boys qui ont fait le rock, le vrai, avec un grand R, celui qui coule dans les veines de "Peace Love Death Metal", première cartouche gravée en 2003 et publié en mars 2004, que beaucoup attendent alors, attirés par la présence excitante de Josh Homme aux côtés de celui qui est un ami d'enfance, collaboration scellée par les "Desert Sessions III & IV" où figurait le titre 'The Gosso King Of Crater Lake'.
Toutefois ceux qui espéraient une sorte de Queens Of The Stone Age bis en seront bien entendu pour leurs frais, la musique vidangée par Eagles Of Death Metal ne nouant au final que très peu de liens avec celles de son aîné. Tout au plus partagent-ils ce même feeling désertique et crasseux, cette ambiance de rades enfumés perdus dans l'Amérique profonde (ce n'est pas péjoratif) ainsi que ce parfum d'interdit aux relents des substances illicites.
A la place du stoner rock orgasmique de QOTSA se déhanche une espèce de croisement fiévreux entre un rock poissé de cambouis et un bluegrass ivre de Jack Daniels. L'opus dégaine tranquillement quinze titres dont la plupart ne franchissent même pas la barre des trois minutes. Si les invités sont nombreux, citons le bassiste Nick Oliveri sur 'Already Died' et 'San Berdoo Sunburn' ou bien encore Alain Johannes et son piano bastringue sur 'English Girl', ces chansons n'en demeurent pas moins extrêmement dépouillées, réduites à leur plus simple expression, celle d'un rock presque primitif dans son accroche où guitares et percussions se taillent la part du lion.
Ce qui n'empêche pas Jesse Hughes de diversifier, de moduler ses lignes vocales, tour à tour roucoulant comme Elvis ou usant d'un registre plus appuyé sinon plus metal. Sans prétention et décomplexé, émaillé de nombreuses pépites, telles que 'Miss Alissa', 'I Only Want You' ou le désormais tristement célèbre 'Kiss The Devil', pendant l'interprétation duquel les terroristes ont choisi d'ouvrir le feu dans la salle de concert parisienne, l'album défile très vite, à la fois anachronique et intemporel et dont l'identité ancrée dans le sol américain ne le rend pas moins universel.