Je me souviens de mon premier contact avec Mors
Principium
Est, qui
fut
comme un bouleversement de l'âme, une chute renversante infinie qui m'a dès lors projeté
dans un abîme dont je ne pouvais soupçonner l'existence. Je fus transfiguré, chamboulé par la découverte d'un groupe
majeur. Car MPE, digne représentant de la vague death mélo, laisse exsangues, à bout de souffle et très loin derrière les suiveurs de tous poils.
Laissant ses confrères patauger dans la fange d'un death
parfois
bas de plafond qui se repaît de clichés, MPE navigue au-dessus de ces contingences stylistiques aussi abominables qu'horripilantes... Souvenez-vous ainsi de 'Into Illusion', hissant immédiatement et irrémédiablement Ville
Viljanen au
rang de meilleur chanteur de la scène, que dis-je du monde... ni plus ni
moins.
Beauté
sombre quand tu nous tiens... lorsque résonnent les premières notes de "Embers of A Dying World", c'est comme le lever d'une aube sonore mordorée qui illumine le ciel de milliers feux irisés, puis inonde nos sens de mesures épileptiques, les submerge de sonorités précises qui font
monter un léger un frisson de contentement le long de notre échine
décharnée.
Beauté
glaciale quand tu nous tiens... lorsque résonne à nouveau la voix magnifique, rageuse, virulente, soyeuse et impeccable de
Ville, lorsque rugissent les guitares grasses et implacables.
Beauté décharnée quand tu nous tiens, dans cette entame narrative cinématographique ('Genesis') portée
par des chœurs
grandiloquents et des trépidations de cordes pleines d'emphase. Cet instant classique, héroïque, glorieux, au charme touchant nous convie délicatement au déluge de plomb de
'Reclaim The Sun'.
Cette
première pépite confirme déjà que MPE est
un habile érecteur de climats poisseux, qui sait manier les vocaux mélodiques, les phrasés imbriqués qui se répondent en de multiples variations
grumeleuses. Bien entendu la guitare est domptée par un maestro qui délivre des riffs techniques et rapides dignes de Arch Enemy, des giclées solitaires certes courtes, mais toujours bluffantes. Ainsi la formation ne
s'attarde jamais sur les démonstrations ego-centrées, comme si
l'essentiel était le rendu de l'ensemble.
'Masquerade'
enrobée dans une bonne dose de claviers symphoniques, débute par une petite introduction en legato, puis se change en ode furieuse ou la double pédale règne en maître. Alors, portés par une rage sourde, nous voguons sur des
montagnes russes, puis sommes cueillis par les doigts habiles qui habillent le passage
solitaire d'ombre et de lumière.
Ce pèlerinage au pays des morts nous conduit à la pépite 'Death is The Beginning', où le combo réédite l'exploit de 'Into Illusion' : marier
la chaleur soyeuse et les rugissements bestiaux, apaiser le tempo, et alors libérer une giclée d'émotion poignante. Habillé de tristesse profonde (cette étape nous conte une
perte irrémédiable), le combo est très à son aise : les cris de Ville emplissent l'espace, font naître une larme de tristesse
suscitée par une thématique poignante.
Dorénavant, chamboulé par une expérience sensorielle presque mystique, il est
difficile d'imaginer meilleur point d'orgue pour cette
nouvelle production : conclusion au piano
et aux cordes dont la beauté nous ferait tomber à la renverse...
Tout en évoluant, la formation est restée une des plus
grandes du death mélodique sans jamais abandonner son penchant terreux et animal. Mors
Principium Est démontre avec cette
nouvelle galette qu'il est un des plus grands groupes parmi les plus grands, un pachyderme qui sait conjuguer la violence, la tendresse, la mélancolie, la colère et la la lourdeur ; une entité qui sait bâtir des émotions, portée certes par des individualités musicales fortes, mais dont la fusion engendre un tout unique vraiment à part.
"Embers
of a Dying World" est d'ores et déjà un des meilleurs albums de
2017 et signe le retour tant attendu de Mors Principium Est ! Jetez-vous sur cette rondelle indispensable, bouleversante, tranchante, percutante, technique, à
la beauté glaciale qui subjugue l'âme et les sens.