La rançon du succès est parfois très cruelle. Les jeunes Anglais de Deaf Havana l'ont appris à leurs dépens après la sortie de leur précédent album "Old Souls" qui a rencontré un beau succès critique et commercial pour finalement atteindre le top 10 des charts anglais. Le combo britannique a failli ne pas y survivre, plombé par des problèmes financiers et un manque de communication entre ses membres qui se connaissent pourtant depuis le lycée. Il aura fallu apprendre à se parler à nouveau et aplanir la situation grâce à une tournée qui a permis de renflouer en partie les caisses. De cette histoire est né "All These Countless Nights".
Pour ce nouvel album, Deaf Havana s'est adjoint les services du producteur Adam Noble (Placebo, Paul McCartney, Ed Sheeran) pour l'aider dans sa démarche artistique. Indéniablement son expérience et son aide se font sentir sur ce projet. Ce n'est pas 'Trigger' ou 'Sing' qui vont faire mentir cette imprégnation tant ces titres sont sensibles à l'influence du groupe de Brian Molko. Toutefois, réduire l'expression musicale de cet album à la simple copie d'un brit rock à la recherche d'un nouveau souffle est réducteur car le groupe pousse plus loin son exploration sonore pour l'étendre à un rock américain presque FM, surtout dans les couplets rugueux, James étant un grand fan de Bruce Springsteen. Cette remarque se vérifie notamment sur les titres les plus acoustiques tels 'Happiness' ou bien 'Seattle' qui aborde la solitude, thème principal développé dans l'album, à l'image de l'artwork représentant une femme seule sur le toit d'un immeuble, tenant dans la main une fusée de détresse, comme un écho au vécu du groupe pendant ces trois années. De cette envie de tourner la page et de laisser le passé là où il est, James, principal artisan des paroles, en affirme la volonté haut et fort dans 'St Paul'.
Alors certes, les musiques qui accompagnent les états d'âme du groupe demeurent classiques. Succèdent aux parties sombres, parfois lourdes, des refrains lumineux et porteurs d'une énergie positive traduisant ce désir du groupe de s'émanciper de son passé négatif pour regarder le présent de façon plus saine. Ce positivisme est toutefois tempéré par une trop grande générosité avec des titres plus dispensables, car redondants, qui nuisent un peu au plaisir d'écoute et pourraient finir par lasser l'auditeur. Les chansons diffusées sur le net, et déjà citées précédemment, comptent parmi les meilleurs de l'album.
La voix de James parvient à faire passer une émotion certaine sans jamais surjouer les lignes de chant sensibles, l'album semblant servir d'exutoire au groupe, une sorte de thérapie à laquelle il se livre pour mieux se reconstruire. Les riffs de guitare portent la parole sur des plans somme toute classiques pour le genre mais restant néanmoins agréables, soutenus par une rythmique bien mise en avant qui soulignent plus fort les écorchures passées et cette envie d'aller de l'avant. La production conserve certaines aspérités, apportant ainsi le relief nécessaire pour aller au bout du message à faire passer.
Introspectif, parfois impudique, noir et lumineux sont les caractéristiques de cet album dont l'authenticité de la démarche au regard de cette renaissance ne peut être remise en cause. L'auditeur sensible pourra s'y plonger sans hésiter afin de trouver au fond de lui cet espoir de résurrection que peut apporter parfois la musique. Comme quoi avec la volonté, le lâcher prise, l'ouverture sur soi malgré les souffrances vécues, rien n'est jamais perdu, tout en gardant à l'esprit le fait que rien n'est jamais acquis définitivement. Espérons pour Deaf Havana que ce nouveau départ lui apporte sérénité et succès.