Après le départ du bassiste Simon Gallup, Robert Smith (un temps guitariste officiel de Siouxsie And The Banshees) et Lol Tolhurst décident de poursuivre à deux l’aventure The Cure en optant pour une compilation de singles, réunis dans un album au titre mystérieux et à la pochette déjantée : "Japanese Whispers".
Cette collection de morceaux est aux antipodes du travail récent de "Pornography". Les sirènes de la new wave semblent avoir charmé les oreilles de nos deux gaillards : finis les climats étouffants, place aux rythmes synthétiques et sautillants. Dans ce chamboulement, Lol Tolhurst a choisi de délaisser sa batterie au profit des claviers - il avait déjà commencé à en jouer sur le morceau inaugural du précédent album. 'Let´s Go To Bed' avec son chant parfois syncopé réussit le tour de force d´être dansant (pour du Cure !) grâce à sa mélodie de claviers immédiatement mémorisable et sa basse ronronnante (jouée par Robert Smith). Le duo est complété par le batteur Andy Williams et le bassiste-producteur Phil Thornalley pour 'Speak my Language' et 'The Lovecats' , titre qui rejoint l’esprit jazz des 'Aristochats'. 'The Walk' apparaît plus en retrait par la faute de claviers qui, s’ils suscitent un mystère bienvenu sur les couplets, deviennent envahissants sur les refrains.
Pour autant, The Cure n´est pas devenu un phénomène de foire médiatique. La plupart des faces B perpétuent avec talent l´héritage du groupe : 'Just One Kiss' et 'Lament' poursuivent la veine dépressive et glaçante, avec un chant particulièrement mélancolique. 'The Dream' se sert des claviers pour créer une atmosphère irréelle, tandis que 'The Upstairs Room' se détache par son riff énergique de guitare. Les mauvaises langues trouveraient à redire, arguant que cet assemblage de morceaux bancals ne saurait révéler le talent du groupe. Pourtant après "Pornography", le duo devait se ressourcer en excentricité, tout en conservant un peu de poison.
"Japanese Whispers" prouve s´il en est le talent commercial du groupe : 'The Lovecats' a atteint la septième place des charts anglais, 'Let´s Go To Bed', la quinzième en Nouvelle-Zélande. The Cure a illustré ses singles par des clips hauts en couleur ; si celui de 'The Walk' se distingue par des prises de vue originales et un montage haché, 'Let´s Go to Bed' illustre l´humour pince-sans-rire du groupe, avec une interprétation épileptique de Lol Tolhurst, tandis que 'The Lovecats' renoue avec un esprit plus enfantin et excentrique. Cet album reste une curiosité pour le fan averti, mais apparaît moins destiné à un public néophyte.