Alors que la reformation du line-up légendaire de Danger Danger tarde à confirmer les espoirs créés par l'excellent "Revolve" (2009), il n'est pas surprenant de retrouver Ted Poley au sein d'un nouveau "super groupe" dont le label Frontiers a le secret. Seulement voilà, ces projets n'aboutissent pas toujours à de franches réussites et la carrière du chanteur en dehors de sa formation d'origine n'a jamais été réellement concluante non plus. Dans ces conditions, c'est avec quelques réserves que nous accueillons ce premier opus éponyme de Tokyo Motor Fist au sein duquel le vocaliste partage l'affiche avec le guitariste Steve Brown (Trixter), le bassiste Greg Smith (Alice Cooper, Rainbow, Ted Nugent), et le batteur Chuck Burgi (Blue Oyster Cult, Rainbow, Joe Lynn Turner).
Pourtant, les doutes vont rapidement être balayés par un retour dans les 80's aussi énergique que rafraîchissant. Contrairement à de nombreuses associations de pointures du genre qui tournent souvent à l'affrontement des ego, les membres de Tokyo Motor Fist réussissent à mettre en commun leurs talents aussi bien que leurs identités respectives. La section rythmique est sans faille et permet aux deux solistes de s'appuyer sur elle tout en gardant l'intérêt des titres comme priorité. La voix si identifiable de Ted Poley renvoie forcement à Danger Danger, d'autant que certaines compositions auraient eu leur place au sein de la discographie des New-Yorkais. Les refrains accrocheurs et les mélodies énergiques de 'Pickin' Up The Pieces' et 'Shameless', ou les mid-tempi de 'Love' ou 'Get You Off My Mind' viennent en ce sens rassasier partiellement l'appétit des fans en attente d'une suite à "Revolve".
Mais réduire Tokyo Motor Fist au simple rôle de clone de Danger Danger serait une erreur aussi injuste qu'impardonnable. En effet, la présence de Steve Brown est loin d'être anodine. Le guitariste de Trixter apporte une facette importante à l'identité propre de la formation, non seulement par des soli aussi véloces que lumineux, mais également par des compositions qui s'éloignent de l'ombre du quintet d'origine de Ted Poley. Certains titres se révèlent beaucoup plus directs en balançant leurs refrains obsédants dès l'introduction ('Black And Blue') ou en faisant preuve d'une énergie et d'une vitesse d'exécution presque punkisantes ('You're My Revolution'). Et puis il y a cette connexion à Def Leppard qui se retrouve parfois chez Trixter et qui refait surface sur un 'Put Me To Shame' cinglant, mais qui n'est pas sans rappeler le 'Let It Go' des léopards sourds de Sheffield ("High'n'Dry" - 1981), ou sur 'Done To Me' puissant et catchy avec ses grosses guitares et ses chœurs si typiques.
En réussissant à marier les identités de leurs groupes respectifs tout en évitant les conflits d'ego, les membres de Tokyo Motor Fist offrent un album alliant énergie et mélodie avec talent. Le retour dans le passé se fait avec conviction et ressemble plus à une rénovation enthousiasmante qu'à une recette réchauffée. Il reste désormais à savoir si ce projet aura un avenir sur scène et si la discographie du groupe est destinée à s'étoffer. En attendant, cet opus offre largement de quoi se remplir les conduits auditifs d'un hard mélodique savoureux et épicé.