Sur les scènes françaises, il est assez fréquent de rencontrer des groupes
mûs par un esprit de démocratie où chacun a son mot à dire. Il est évident que
cette éthique peut connaître des failles lorsqu'il s'agit d'un big band.
Mais en ce qui concerne Bottle Next, la question ne se pose guère. Bottle Next est le fruit de la rencontre entre Pierre Rettien (guitare, chant, saxophone) et Martin Ecuer (batterie et chant). Pour son premier album "Bad Horses", est-ce que le duo va savoir donner un coup de sabot à l'auditeur malgré sa formule minimaliste ?
Évidemment, Bottle Next aurait très bien pu se contenter de n'être qu'un énième duo folk, où la batterie et la guitare accompagneraient le chant. Mais sur son CV, Bottle Next a ajouté au terme folk le mot hard, qui paraît éclaircir la situation mais qui en fin de compte mélange les cartes de visite. Car le groupe ne veut pas s'asservir à un genre et, au lieu de revoir ses ambitions à la baisse, le duo enclenche la vitesse supérieure. Produit par le pape du mélodeath, Daniel Bergstrand, "Bad Horses" propose des compositions trempées dans l'acier et imprévisibles, capables de prendre des orientations metal ('Bad Horses, 'Break Down The Doors'), grunge ('Over There'), voire folk ou blues (le quasi progressif 'Age Of Beauty', 'Running Herd' ou 'Revolution', en comparaison plus tranquille, sont sur des charbons ardents et menacent sans cesse d'exploser). La voix grave de Pierre Rettien, volontaire et généreuse, fait référence à une scène metal qui aurait la tête du côté des États-Unis (ce qui explique peut-être le choix de la langue). Le groupe compense son manque d'équipage rythmique par des breaks audacieux (percussions sur 'Break Down The Door', saxophone sur 'Choices', break de guitare sur 'Running Herd') et chaque problème suscite une création originale.
Malheureusement, malgré les qualités énumérées, l'auditeur risque de regarder sa montre en fin de partie, tant le manque de variété de son peut être dommageable sur une longue durée. Malgré l'inventivité des breaks, l'ensemble paraît encore assez fragile et l'admiration peut fondre au fil des écoutes. Quoi qu'il en soit, Bottle Next s'affirme, avec sa formation originale et sa volonté de se jouer des frontières, comme un grand espoir de la scène française.