Grand amateur de metal, le musicien est parti de l’idée que, comme pour les Vikings, le christianisme a été imposé aux esclaves noirs américains par la force. Les Norvégiens ont, bien des décennies plus tard, inventé le black metal sataniste. Que seraient devenus la musique noire en général et le negro spiritual, ancêtre du gospel, en particulier, si les esclaves avaient chanté Satan plutôt que Dieu ?

La réponse tient en un morceau ‘Blood In The River’, particulièrement représentatif de la musique de Zeal & Ardor. Seulement rythmé par le cliquetis des chaînes, un chant negro spiritual blasphématoire retentit : «a good god is a dead one, a good god is one that brings the fire». Puis un mur de guitares saturées et un chant hurlé typiques du black metal apparaissent en fond sonore sous le déluge des blast beats de la batterie. Ce grand écart permanent entre des styles musicaux a priori inconciliables fonctionne à merveille et caractérise les morceaux les plus intéressants de l’album : le gospel blasphématoire ‘Devil Is Fine’, la messe noire ‘In Ashes’, le blues metal ‘Come On Down’ et le génial ‘Children’s Summon’ mêlant xylophone, riffs metal, chants hurlés et chœurs liturgiques en latin.

Le comble pour un album aussi original et jouant autant sur la fusion de genres musicaux totalement opposés est de manquer d’homogénéité. À cet égard, "Devil Is Fine" serait une réussite s’il n’était pas ponctué des instrumentaux ‘Sacrilegium I, II et III’ musicalement hors sujet, et de la ballade rythm’n blues ‘What Is A Killer Like You Gonna Do Here ?’. En s’éloignant du black metal et donc du pari initial, ces titres nuisent à la cohérence du projet et dénaturent inutilement le propos musical.