Nous avions laissé Svart Crown il y a quatre ans avec un "Profane" aux allures de consécration, sésame vers le trône du black death qui lui était de toute façon promis dès que sa fielleuse semence fut crachée une première fois via la démo culte "Bloody Crown". Depuis ce troisième méfait, le groupe a connu quelques turbulences en terme de ressources humaines voyant les deux Kévin, Verlay et Paradis, actuels Agressor et mercenaires de l'extrême hexagonal (ou non), saisir la seconde guitare pour le premier et la batterie pour l'autre. Il a surtout pris du galon, grâce à la signature chez le puissant Century Media.
S'il se trouvera bien quelques grincheux pour regretter ce divorce avec Listenable qui les soutenait, il est vrai, depuis "Witnessing The Fall" (2010), force est de reconnaître que cette promotion amplement méritée vient couronner des années de labeur passées à sculpter dans le marbre un art dont la puissance cataclysmique n'a jamais étouffé les velléités évolutives d'une écriture tortueuse. Gageons que ces changements n'auront eu aucun impact quant à la teneur vicieuse de ce nouvel opus car JB Le Bail demeure plus que jamais le maître des lieux, fondateur et dernier membre historique de cette entité qu'il dirige d'une main de fer, même si les musiciens qui l'accompagnent sont loin de jouer les utilités, nourrissant au contraire la bête de leur impitoyable moelle.
Il serait facile d'énoncer que "Abreaction" reprend les choses là où elles ont été laissées par son devancier. En réalité, l'album explore plus encore les ténèbres abyssales entrevues par "Profane". De fait, jamais sans doute le groupe n'avait autant favorisé les mid-tempos, les perforations reptiliennes, rongeant la terre jusqu'à l'os, jusqu'à ses entrailles intimes. Jusqu'à la mort. Long de plus de sept minutes, 'The Pact : To The Devil His Due' témoigne de cette brutalité souterraine, blockhaus monumental lacéré par un souffle morbide mais que déchire lors de ses ultimes mesures une démentielle éruption de violence millimétrée.
À l'exception de 'Emphatic Illusion' et - quoique dans une moindre mesure - du terminal 'Nganda', pesants tout du long, ce qui ne les exonère en rien d'une noirceur viciée, chaque titre, véloce et tentaculaire à la fois, suit en définitive un chemin (de croix) escarpé qu'emporte un tumulte fielleux et corrosif, travaillé par des forces obscures et déchaînées. Ainsi, le groupe laisse libre cours à sa folie qui vient se briser contre des remparts vertigineux, à l'image des 'Orgasmic Spiritual Ecstasy', 'Carcosa' ou 'Golden Sacrament', amorce d'une lenteur suffocante qui, brusquement en fin de parcours, écarte les cuisses, ouvrant alors sur un puits de violence. L'imparable maîtrise technique des Français leur dicte une partition d'une bouillonnante intensité qui explose en une lave granitique entraînant tout dans son sillage, creusant dans la peau, dans la mémoire et surtout dans l'âme, des crevasses béantes dans les replis desquelles grouille une viscérale négativité.
Aux confins d'un death congestionné de soufre et d'un black metal orageux, Svart Crown exécute avec "Abreaction" un album massif et tendu qui fera date dans son histoire et dans celle du genre.