Méconnu en France, Pyogenesis est pourtant une institution en Allemagne où le groupe est considéré comme l'un des pionniers du metal gothique. Après 25 ans de carrière, les Allemands débarquent dans nos bacs avec leur huitième album "A Kingdom To Disappear" et force est de constater que tout le monde a bien grandi depuis le death gothique de 1991. Heureusement, il est loin ce temps d'un death, certes précurseur mais bredouillant, d'un autre temps. C'est désormais dans un heavy metal polymorphe que Pyogenesis officie, toujours sous l'égide de l'une des plus grosses écuries européenne (AFM) après de longues années chez Nuclear Blast.
Passée l'intro symphonique, les premières mesures de 'Every Man For Himself And God Against All' semblent planter le décor brutal d'un furieux death martelant, mais, très vite, une ligne vocale théâtrale très mélodique emporte tout sur son passage, reléguant les couplets death au rôle de faire-valoir. Le lyrisme mêlé à la voix rocailleuse et écorchée de Flo V. Schwarz rappellent A7X pour l'énergie punkisante que dégage le titre. Dans la foulée, la surprise initiale est confirmée par un 'I Have Seen My Soul' à l'énergie communicative et au refrain redoutable. Le riff est heavy, la rythmique vrombissante alors que la mélodie principale, imparable, est déclinée en voix claire et douce puis semi-hurlée. Un hymne en puissance à l'efficacité chirurgicale que chacun peut apprécier dans l'extrait vidéo proposé en bas de chronique.
Et les surprises ne s'arrêtent pas là puisque au détour de titres plus pop ('It's Too Late'), d'une ballade acoustique très réussie ('New Helvetica') ou d'un 'That's When Everybody Gets Hurt' à la Depeche Mode, le groupe de Stuttgart prend son auditoire à contre-pied dans chacun de ses choix, se rendant imprévisible. A quelle sauce allons-nous être mangés sur 'We (1848)' ? À celle d'un rock alternatif sautillant rappelant encore une fois Avenged Sevenfold avec qui les Allemands partagent ce grain de folie créative, au final très attachant.
'Blase, My Northern Flame' est quant à lui un brûlot death, tout au moins au début, puisque à l'instar de 'I Have Seen My Soul' il vire très vite dans une démonstration mélodique sur le refrain et le thème principal que n'auraient pas renié des pointures du heavy tels Rage ou Amorphis, faisant de ce titre un exemple d'accessibilité et de maîtrise créative. C'est simple et efficace. Mais Schwarz n'en reste pas là et veut conclure en beauté, avec un closer épique. Au lieu du déferlement symphonique auquel on est en droit de s'attendre, il nous balance une longue complainte pleine d'une émotion poignante que la voix à fleur de peau du frontman magnifie tout au long des 13 minutes et prend l'auditeur aux tripes. Magnifique.
Pyogenesis a enfin pris le virage des années 2010 en renouvelant son répertoire non sans affirmer sa personnalité, guidé par un Flo V. Schwarz au sommet de sa forme. Le groupe a pris le pari de la simplicité et ça marche. Et même très bien car l'album est une surprise à la première écoute et un pur plaisir tout au long des nombreuses suivantes. On ne s'ennuie pas une seconde et tous les amateurs de metal, au sens large, y trouveront nécessairement des motifs de réjouissance tant le projet est maîtrisé. Sorti de nulle part, "A Kingdom To Disappear" est une vraie bonne surprise, simple, éclectique, efficace. Attendez-vous à ne pas vous y attendre.