Si les Monty Python, ou du moins ce qu'il en reste, cherchaient une nouvelle bande-son pour leur mythique "Sacré Graal", ils ne pourraient alors trouver plus proche de leur esprit férocement parodique que "La quête du Saint Grind". C'est dire la dimension joyeusement bordélique qui caractérise la musique forgée par Ethmebb. Ajoutons-y une louche d'un Kamelott passé à la moulinette et vous aurez une idée assez juste quant à la teneur de ce metal totalement décomplexé qui galope là où le vent de la folie l'emporte.
Même s'ils ne se prennent pas au sérieux, nos quatre lascars ne plaisantent pas vraiment, forts d'une vigueur technique effrontée et d'une assurance qui ne l'est pas moins. Les apparences étant souvent trompeuses, il n'est point question ici de grind dont on pourrait chercher longtemps les moindres miasmes, mais d'un death metal aussi épique qu'alambiqué, à la fois sombrement folklorique et puissamment acéré, évocateur de temps médiévaux goguenards et néanmoins orageux.
Reste que vouloir limiter cette turbulente partition à ce seul genre semble bien réducteur tant le groupe cavale à travers de nombreuses régions (black, doom...), tout du long d'une expédition semée de dangers. Pour cette première épopée, toutefois préparée par une courte escapade ("Lost My Grind" en 2013), les Français ont vu les choses en grand. Généreux, ils n'hésitent pas à livrer une offrande de près d'une heure qui se feuillette comme un récit, divisé en plusieurs chapitres telle une tapisserie comptant de rocambolesques faits d'arme.
Suivant le périple du chevalier Thator à la recherche de son précieux Grind, source de son attractivité sexuelle, sans lequel il ne peut donc assouvir ses besoins homériques, l'opus déroule un menu cinématique ('Tathor, l'échalote de ses morts'), biberonné à l'heroic fantasy de série Z, fruit de l'accouplement sauvage entre Rhaspody et Finntroll sous l'œil vicieux de Burgul Torkhain, groupe qui rappellera peut-être quelque chose à certains. Mais au-delà de paroles hilarantes et volontairement égrillardes, ce galop d'essai longue durée impressionne par sa foisonnante inspiration et sa manière de mélanger les genres avec un bonheur gourmand.
Il suffit d'écouter ce 'Lost My Grind', entame déchaînée qui concentre en un peu plus de cinq minutes l'essence de ce metal extrême protéiforme où le chant d'outre-tombe ou plus hargneux s'associe à des guitares virtuoses et mélodiques sur fond de croisade échevelée, pour mesurer le niveau de folie qui dicte au groupe cette musique puissamment éruptive. Louchant parfois vers le pompiérisme hollywoodien d'un Nightwish ('Orlango Blum'), le groupe joue à l'équilibriste le long d'une ligne ténue séparant la parodie du ridicule sans toutefois jamais chavirer du côté obscur.
Fruit d'un travail de composition acharné, des pièces quasi progressives telles que 'GPS : Gobelin Par Satellite', 'A La recherche de la découverte...' ou l'énorme 'Pirates Of The Cariboo', sans oublier ce 'Bruce Lee mena l'amour' dont les 17 minutes ( !) s'achèvent en délire technoïde, témoignent d'un véritable bourgeonnement créatif dont on se demande quand même comment Ethmebb parviendra à le surpasser, à moins de mettre à nouveau dix ans pour enfanter un deuxième album...
Féroce et sautillant, sombre et rigolard, Ethmebb livre un premier album aux allures de (Sacré) Graal sonore, dévoilant un potentiel énorme qu'on suppose toutefois encore à peine défloré.