Quand bien même nous regretterons éternellement qu'il ait pris en 2013 la décision de mettre fin aussi bien à Before The Dawn, qui a révélé son talent, qu'au plus confidentiel Black Sun Aeon, sans compter un Dawn Of Solace qui n'aura d'ailleurs enfanté qu'un unique opus, lui aussi alors emporté dans ce grand ménage de printemps, force est pourtant d'admettre que Tuomas Saukkonen semble avoir retrouvé avec ce qui reste désormais son seul groupe, outre un plaisir de jouer, une inspiration qui, il est vrai, donnait l'impression de s'émousser à force d'être éparpillée à travers une multitude de projets parallèles.
Après un "Winterborn", certes hyper efficace mais impersonnel, "Shadow World" a timidement affirmé, en durcissant le ton, une identité glacée plus death, moins doom quoique toujours aussi mélodique et bien entendu typiquement finlandaise. Avec "Tyhjyys", Wolfheart va-t-il poursuivre dans cette voie plus sombre et tranchante ?
Si 'Shores Of The Lake Simpele' qui en écarte les pans gelés semble répondre par la négative, superbe instrumental digne du Amorphis le plus inspiré, 'Boneyard' déroule une trame véloce, lancée par des blasts déchaînés, cependant que chœurs et orchestrations ténébreuses plongent d'emblée l'écoute dans l'obscurité du Tuonela, le royaume des morts de la mythologie finlandaise. Mais, long de plus de sept minutes, ce titre traverse de nombreux paysages, tour à tour majestueux ou crépusculaires, acoustiques ou furieux, à l'image d'un menu qui alterne lentes et pesantes pièces riches en atmosphères et envolées (relativement) agressives.
Les premières, vers lesquelles va notre préférence, sont incarnées par 'The Flood', dont les lignes entêtantes sont figées par une langueur hivernale et surtout la conclusion éponyme que creusent des riffs obsédants qui en fait sans aucun doute l'un des meilleurs titres composés par le Finlandais. Sur une note plus mineure, 'Call Of The Winter' et 'Dead White' agrègent ces deux morceaux de bravoure dans un ensemble boisé où se mêlent le feu et la glace. Les secondes sont quant à elle représentées, outre le déjà nommé 'Boneyard', par 'World On Fire' et 'The Rift', titres nerveux, cisaillés de soli lumineux qui ne sacrifient toutefois jamais les ambiances neigeuses sur l'autel d'une rapidité pourtant millimétrée.
Fidèle à ses standards de qualité, Saukkonen livre avec les musiciens qui l'accompagnent depuis trois ans un travail techniquement irréprochable, auquel il manquera néanmoins toujours un supplément d'âme sinon de personnalité qui permettrait à Wolfheart de se hisser au-dessus du tout venant du death mélodique et scandinave. De son titre, déjà utilisé par Ajattara en 2004 à ses aplats engourdis par une beauté glaciale, il n'y a rien - ou si peu - dans ce "Tyhjyys" qui n'ait en réalité déjà été entendu. Mais ne boudons notre plaisir, bien réel, face à ce troisième album impeccable dans son genre, froid et racé, forestier et nocturne.