En 1997, Eva Amaral, accompagnée de son fidèle lieutenant Juan Aguirre, forme un groupe qui porte son patronyme. Vingt ans plus tard et avec huit albums, marqués par un sens aigu pour les mélodies entêtantes sur lesquelles se posent des paroles littéraires, les Saragossans ont obtenu un succès critique et public suscitant un véritable culte dans les cœurs ibériques. Après quelques collaborations dont la plus marquante sera un duo avec Moby, Eva Amaral a enregistré "Nocturnal" en 2015, puis une version double enrichie d'un album bonus ''Nocturnal Solar Sessions'', destiné au marché européen en 2017.
"Nocturnal" se présente comme la face sombre du lumineux "Hacia Lo Salvaje". Si les ingrédients indispensables de l'esthétique du groupe, voix grave et enchanteresse d'Eva Amaral accompagnée de la guitare tentaculaire de Juan Aguirre, ne font pas défaut, les compositions semblent nimbées de froides ténèbres. Judicieusement placée aux avant-postes 'Llévame Muy Lejos' est un morceau percutant, sans concession, où la voix d'Amaral suit les sillons hard de la guitare de Juan Aguirre, jouant de toute sa puissance sur les refrains, jusqu´à un grandiose final glacé, faussement apaisant. Cette débauche d'énergie sera plus intériorisée sur les morceaux suivants, comme 'Cazador', marqué par son souffle haletant (les paroles décrivent une chasse sans merci), 'Noche De Cuchillos', sur lesquels les synthétiseurs se font menaçants en évoquant les fantômes du franquisme. Cependant l'ambiance n'est pas au recueillement, 'Unas Veces Se Gana Y Otra Se Perde', la plus authentiquement amaralienne 'La Niebla' 'Nadie Nos Recordara', ou encore le morceau éponyme avec son généreux refrain, démontrent la capacité intacte d'Amaral de composer de vraies perles, ces ballades lentes où l'artiste se dévoile en toute pudeur. S'il fallait formuler un seul bémol, ce serait la longueur de l'album, qui aurait peut-être gagné à être raccourci.
Le second album "Nocturnal Solar Sessions" se présente comme la version acoustique, solaire de ''Nocturnal''. Si le procédé rappelle The Gentle Storm, l'œuvre des Espagnols n´a rien à voir avec l'artificiel gadget des Hollandais. L´acoustique aère, rend plus proche et offre de nouvelles directions d´écoute. En effet, pour certains morceaux, il s'agit vraiment de réécriture Le turbulent premier morceau, magnifié par le lyrisme de son violon et sa guitare lumineuse, ou 'La Ciudad Maldite' ont la douceur d'une confession à l'oreille. Le morceau éponyme ou 'En El Tiempo Equivocado' ont droit également à un lifting, la voix d' Eva Amaral semble enfermée dans un écrin d'art pur, piano et guitare chaleureuse.
''Nocturnal'', agrémenté de ''Nocturnal Solar Sessions'', prouve que la présence d´Amaral dans le monde de la musique est loin d´être anecdotique. L'album studio a très rapidement obtenu la première place des charts espagnols, un exploit pour une époque qui malmène les créateurs ! Magnifiée par l'enchaînement de ces trois premières pistes et de son disque acoustique, Amaral prouve qu'elle sait se réinventer et que sa musique n'est pas seulement destinée à un public hispanophone.